Canicule: Paris voit rouge, la France continue d'étouffer

La France suffoque et fait le dos rond mardi face à une chaleur extrême et qui dure, avec pour la première fois depuis cinq ans la vigilance rouge pour canicule activée en Île-de-France, et toujours un soleil brûlant.

Paris va voir rouge.

"C'est très, très, très dur, mais ce n'est pas grave, on est habitués", soupirait déjà lundi Jimmy George, éboueur assis sur un trottoir à l'ombre. Comme pour d'autres secteurs, ses horaires ont été aménagés. "On a des pauses un peu allongées", une prise de poste avancée, explique-t-il, combinaison verte et casquette trempée à la main.

Des restrictions de circulation sont mises en place, un "forfait antipollution" à 4 euros la journée est instauré dans les transports publics franciliens et même la tour Eiffel est à la peine: le sommet des 330 mètres de fer puddlé restera fermé au public jusqu'à mercredi inclus.

Seize départements sont en vigilance rouge à partir de mardi midi. Parmi eux tous les départements d'Île-de-France, mais aussi ceux de la région Centre (sauf l'Eure-et-Loir) ainsi que l'Aube, l'Yonne et la Vienne. Au niveau national, 68 départements restent en vigilance orange.

Météo-France a étendu la vigilance rouge à mercredi dans ces 16 départements mais prévoit néanmoins une baisse progressive des températures dans la journée.

La consigne pour tous: "ne sortez pas aux heures les plus chaudes (11h-21h), ou essayez de vous rendre dans un endroit frais ou climatisé deux à trois heures par jour".

- Chaleur "éprouvante" -

Météo-France prévoit un pic caniculaire "très fort" dans le bassin parisien avec une chaleur "particulièrement éprouvante".

Mardi devrait être la journée la plus chaude de cet épisode avec des minimales de 23-24°C dans le Sud, et des maximales atteignant 36°C, voire 41°C dans les départements en vigilance rouge.

Devant cet épisode "exceptionnel en termes d'intensité, de durée et de zone géographique", selon les termes de la ministre de la Santé Catherine Vautrin sur RTL, les collectivités s'adaptent.

La ville de Melun (Seine-et-Marne) a fermé tous les établissements publics accueillant des enfants. Au niveau national, quelque 1.350 écoles publiques, sur 45.000, font l'objet d'une fermeture partielle ou totale mardi.

L'agglomération du Grand Poitiers a, elle, opté pour la gratuité des piscines dont elle a la gestion.

Plusieurs jours et nuits de chaleur promettent d'éprouver les organismes.

A Bordeaux, dans une boulangerie près du Grand Théâtre, Jordan Lods, 30 ans, essuie les gouttes de sueur sur son visage. "On a une clim' mais on ne la sent pas trop", euphémise ce responsable de vente. Dans les rues de la ville très minérale, le bitume est plus chaud encore, faisant suer les rares cyclistes ou piétons dehors.

"Jo", un SDF de 55 ans rue Sainte-Catherine, dit "souffrir énormément". "Quand il fait froid, on se couvre, je rajoute des couvertures, des bonnets. Mais quand il fait chaud comme ça, qu'est-ce que je peux faire ? Rien, attendre que ça passe et espérer ne pas faire de malaise", dit l'homme, grosses lunettes de soleil vertes vissées au visage, remerciant une passante qui lui tend un granité.

- "Lutte quotidienne" -

Les services d'urgence sont sur le pont.

"C'est une lutte quotidienne, un jeu de dominos et d'anticipation des problèmes", résume Pierre-Marie Tardieux, chef des urgences au CHU de Nice. Il dit recevoir "environ 30% de personnes âgées, mais aussi des travailleurs du bâtiment, des sportifs, des gens jeunes qui ont eu des coups de chaud" ainsi que "beaucoup de personnes qui vivent dans la rue".

Cette 50e vague de chaleur nationale recensée depuis 1947, la 33e du XXIe siècle, s'inscrit dans un contexte de changement climatique qui en augmente l'intensité et la fréquence.

Dimanche, deux mesures ont témoigné du caractère inédit du phénomène: la Méditerranée a enregistré sa température de surface la plus chaude pour un mois de juin, à 26,01°C en moyenne, selon le programme européen Copernicus. Et le mont Blanc, à 4.806 m d'altitude, "a dû enregistrer une température positive, à 1 ou 2°C, ce qui n'arrive qu'au coeur de l'été", explique à l'AFP Antoine Courteaud, prévisionniste et nivologue de Météo-France à Chamonix.

Cette vague de chaleur concerne tout le sud de l'Europe, de l'Italie au Portugal. L'Espagne a enregistré 46°C samedi, un record pour un mois de juin.

La cause de ce nouveau pic est un dôme de chaleur: un large et puissant anticyclone forme une sorte de couvercle qui bloque l'air en basses couches, empêchant l'entrée de perturbations tout en le réchauffant progressivement.