En 2024, qui a connu un "été plus chaud que la normale de 0,7°C", "sept accidents du travail mortels en lien possible avec la chaleur ont été notifiés", selon une note de Santé publique France, publiée en mars et qui s'appuie en partie sur les données de la Direction générale du travail.
Les victimes étaient des hommes âgés de 39 à 71 ans, et "six de ces accidents du travail mortels sont survenus dans le cadre d'une activité professionnelle de construction et travaux ou d'agriculture", selon l'organisme public.
"Les dangers pour la santé des salariés sont amenés à croître en raison du dérèglement climatique et de la fréquence renforcée des chaleurs, y compris sur des territoires jusqu'ici épargnés", prévient la ministre du Travail Astrid Panosyan-Bouvet, selon des déclarations transmises par son cabinet.
Ainsi, le gouvernement a publié dimanche un décret qui précise aux employeurs leurs "obligations de prévention pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs contre les risques liés aux épisodes de chaleur intense".
Dès le 1er juillet, quelle que soit la taille de l'entreprise ou le secteur, lorsqu'il y aura "un risque d'atteinte à la santé ou à la sécurité des travailleurs", les entreprises de toute taille devront prendre des mesures comme "adapter les horaires, suspendre les tâches pénibles aux heures les plus chaudes, mieux ajuster les périodes de repos".
Le ministère rappelle dans un communiqué que la chaleur peut augmenter les "risques d'accidents du travail, y compris graves ou mortels" et des symptômes tels que "migraine, crampes, fièvre, déshydratation jusqu'au coup de chaleur pouvant provoquer un malaise, voire dans certains cas le décès".
"Ce décret ne suffit pas", tranche Tayeb Khouira, 45 ans, bagagiste à l'aéroport Paris-Charles-de-Gaulle à mi-temps et secrétaire national de Solidaires.
"Qu'il fasse grand froid ou forte chaleur", l'activité continue dans cet aéroport situé au nord-est de Paris, "parce que les compagnies aériennes ne peuvent se permettre d'avoir du retard ou d'annuler un vol". "L'aspect économique passe avant la sécurité des travailleurs", déplore-t-il.
Météo-France pour repère
Le décret prévoit également que les employeurs "fournissent des équipements adaptés (vêtements respirants ou rafraîchissants, couvre-chefs, lunettes...) et accordent une attention particulière aux travailleurs vulnérables, notamment les femmes enceintes".
Dans les faits, "lorsqu'on est sur des gros chantiers ou chez des particuliers, nous ne sommes pas toujours en liaison avec les employeurs", relève Thibault, 31 ans et ouvrier du bâtiment, qui s'organise "tout seul en commençant les chantiers deux heures plus tôt que d'habitude, en (se) forçant à boire de l'eau et faire des pauses toutes les 20 minutes ... en finissant vers 15H et en (s)'habillant en conséquence".
Autre bémol relevé par Gérald Le Corre, inspecteur du travail et militant de la CGT : "Le ministère refuse toujours d'indiquer quelles seraient les températures 'adaptées'", en dépit des demandes réitérées de la centrale syndicale, notamment.
Ainsi, les employeurs prendront des mesures en fonction des "seuils de vigilance météorologique du dispositif national" de Météo-France, précise le ministère. Ces seuils composés de quatre couleurs vert ("pas de vigilance particulière"), jaune ("soyez attentif"), orange ("soyez très vigilant") et rouge ("vigilance absolue") ne sont pas associés à des températures précises.
"La réalité, c'est qu'entre le goudron du tarmac en surchauffe et les réacteurs des avions sur les pistes... à 27°C, c'est déjà insupportable", déplore Tayeb Khouira.
"La température de l'air ne suffit pas à évaluer les risques liés aux ambiances thermiques chaudes", relève l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS), un centre de réflexion géré par les partenaires sociaux, dans une note en ligne, soulignant que "certaines situations de travail peuvent être dangereuses en-dessous de 28°C ou maîtrisées au-delà de 30°C".
Avec AFP.