"Ça ne correspond pas à mon projet": le stage de seconde, une expérience inégalitaire

Flore, qui veut être médecin, a décroché son stage de seconde dans le service d'urgences d'un hôpital parisien grâce aux relations de ses parents. A l'inverse, Manar, comme beaucoup d'autres jeunes, se retrouve dans une entreprise très éloignée de ses aspirations.

Pour la deuxième année d'affilée, environ 550.000 élèves de seconde en filières générale et technologique doivent faire ce stage "en milieu professionnel" sur la deuxième quinzaine de juin.

Le dispositif voulu par Gabriel Attal lors de son bref passage à l'Éducation nationale s'ajoute à un autre stage d'observation en troisième et conduit dans les faits nombre de lycéens et leurs familles à solliciter deux années de suite leur réseau.

Parmi les chanceuses, Flore raconte à l'AFP qu'elle a pu "suivre les internes, voir la manière dont ils traitent les patients et les diagnostiquent", et même écouter le battement du coeur à l'échographie.

Zoé, scolarisée à Marcq-en-Baroeul (Nord), a également trouvé un stage en phase avec ses rêves de carrière, dans une école maternelle, en écrivant à son ancienne professeure.

"J'aide avec les enfants pendant les ateliers, j'aide à ranger, etc".

Manar, elle, se retrouve dans une entreprise très éloignée de ses aspirations. Disposant de moins de contacts familiaux, elle a essuyé refus après refus chez des architectes et des psychiatres.

L'adolescente marseillaise de 15 ans s'est résolue à demander à son père de faire jouer ses connaissances et se retrouve dans l'entreprise d'un des amis de ce dernier, dans le secteur du bâtiment. "Ça ne correspond pas du tout à mon projet professionnel", reconnait-elle.

Louison est en stage dans un hôtel du Vieux-Port à Marseille, grâce aux relations de sa mère. L'hôtellerie correspond à son projet mais le stage lui-même "n'est pas très intéressant, je me retrouve souvent à ne rien faire".

Quant à Emilien, il a passé une semaine dans une entreprise de marketing, trouvée par une relation de son père. Une expérience qui n'inspire pas ce lycéen qui cherche encore sa vocation: "il y avait un séminaire, je devais accueillir les gens à la sortie de l'ascenseur, leur montrer où était la salle".

Angèle, elle, s'est retrouvée dans une formation offerte par une école de marketing privée, dénichée sur le site gouvernemental "1élève1stage".

"Je m'attendais à des cours en petits groupes mais on est en amphithéâtre à 150 à écouter des cours sur comment faire un discours ou autre" décrit-elle. "Ça ne m'intéresse pas spécialement."

- Transfert de responsabilité -

L'Éducation nationale ne donne pas de chiffres cette année mais affirme qu'en 2024, environ neuf élèves de seconde sur dix avaient trouvé un stage, et que 72.000 élèves s'étaient inscrits sur la plateforme "1élève1stage".

Les organisations patronales promettent de se mobiliser pour accueillir les stagiaires de seconde. Le Medef a fait une campagne pour inciter les entreprises adhérentes à accueillir des jeunes.

Syndicats et associations se montrent critiques. Ces stages "transfèrent la responsabilité de la fin du 3e trimestre sur les entreprises", juge Grégoire Encel, vice-président de l'association de parents FCPE.

Sophie Vénétitay, secrétaire générale du syndicat Snes-FSU, considère que ces stages sont des "marqueurs sociaux reproducteurs des inégalités".

"Nous n'y voyons pas de réelle utilité" d'autant que les élèves qui n'ont pas trouvé de stage doivent se rendre dans leur lycée pendant que les équipes éducatives sont mobilisées sur l'organisation du baccalauréat, ajoute-t-elle.

Les lycées ont reçu pour consigne d'accueillir les élèves qui n'auraient pas trouvé de stage et de proposer "des activités de découverte des métiers", indique-t-on au ministère.

Pour la fondatrice d'une association dans des quartiers défavorisés qui souhaite rester anonyme, trouver ce stage pour des jeunes qui ne disposent pas de réseau reste "mission impossible".

"La grande majorité se prennent 30, 40, 50 refus. Ils rêvent d'un super stage en septembre, et s'ils n'ont pas rencontré une association, ils se retrouvent dans un stage très décevant quelques mois plus tard. C'est démotivant."