L'appel d'offres pour le plus grand marché de l'eau d'Ile-de-France, secoué par un bug informatique ayant acheminé chez le candidat Veolia des documents réservés au rival Suez, reprend, mais sur la base des offres telles que présentées avant l'incident, a indiqué jeudi l'autorité concédante, le Sedif.
Le Sedif a sollicité la justice administrative sur l'origine des faits.
Le processus était suspendu depuis la survenue les 4 et 5 avril d'un incident sur la plateforme informatique permettant au Syndicat des eaux d'Ile-de-France (Sedif) de communiquer avec ses candidats.
Des documents confidentiels destinés à Suez avaient atterri chez Veolia, les deux candidats à cet énorme marché de 4,3 milliards d'euros sur 12 ans.
Après six mois de flou, le Sedif, présidé depuis 1983 par André Santini, a in fine décidé de relancer le processus, en application de "l'arrêt Transdev", a expliqué un porte-parole.
Cet arrêt fait référence à une autre affaire de marché public, dans les transports en 2017: alors que Transdev avait par erreur eu en main une clé USB contenant la proposition de Keolis, Lille avait finalement arrêté son choix en l'état des propositions à la veille de l'incident.
Le Sedif devrait donc, selon sa décision, se baser sur les offres "intermédiaires" remises par les deux rivaux en novembre 2022.
Le syndicat, qui réunit 133 communes autour de Paris (plus de 4 millions de consommateurs), a par ailleurs annoncé jeudi "solliciter le tribunal administratif" en référé, pour "connaître les causes et responsabilités inhérentes à l'incident informatique extérieur au Sedif".
Selon un rapport d'expert diligenté au printemps par l'établissement public, il s'agit d'un dysfonctionnement informatique, et non de hacking.
Le syndicat indique avoir ainsi adressé des courriers au cours de l'été à la société TransfertPro, qui fournit le logiciel informatique d'échange.
Auprès de BFM Business, TransfertPro a rejeté toute responsabilité. "Notre solution fonctionne parfaitement, il n'y a aucune erreur de programmation", selon son patron Amaury Behaghel.
BFM, qui cite "des documents" retraçant l'historique du système informatique, évoque en revanche le rôle d'un jeune ingénieur de Naldeo, le bureau d'études chargé d'accompagner le Sedif dans cet appel d'offres et gérant notamment les échanges avec les candidats.
Jeudi, Naldeo s'est inscrit en faux contre cette hypothèse.
"Le partage des documents a dysfonctionné", a réagi Didier Carron, directeur de projets chez Naldeo Stratégies publiques. L'ingénieur cité "a 24 ans mais il a deux ans d'expérience, et il est très professionnel", a-t-il dit à l'AFP.
"L'erreur s'est répétée, des droits même ont été supprimés, c'était un dysfonctionnement de la plateforme", a-t-il encore dit, ajoutant avoir fait faire un constat d'huissier le 6 avril.
En dépit de ces difficultés, le calendrier d'attribution du marché reste le même, à savoir désignation du lauréat au 1er semestre 2024, pour un démarrage au 1er janvier 2025, indique le Sedif.
Entre-temps, le syndicat devra avoir répondu aux conclusions du Débat public, qui l'invite à mieux justifier son projet d'usines de traitement de l'eau à près d'un milliard d'euros. Cette réponse est attendue mi-novembre.