Un soutien clair à la plupart des propositions du gouvernement Barnier, mais quelques irritants sur les collectivités ou la taxe sur l'électricité: le Sénat, dominé par la droite, a approuvé mercredi en commission toute une série de mesures budgétaires. Voici ses principaux apports.
Les travaux de la chambre haute, qui s'étireront jusqu'au 12 décembre et pourront donc être largement complétés, sont particulièrement scrutés cette année, car le camp gouvernemental y est aisément majoritaire et peut espérer voir ses propositions retenues dans la version finale des projets de budgets de l'Etat et de la Sécurité sociale pour 2025.
- Hauts revenus et grandes entreprises -
Même si les hausses fiscales sont loin d'être dans l'ADN de la droite, le Sénat n'est pas revenu à ce stade sur deux mesures-phares du gouvernement: l'imposition minimale à 20% des ménages les plus aisés pendant trois ans (2 milliards d'euros espérés) et la "contribution exceptionnelle" sur les bénéfices des grandes entreprises (8 milliards).
La majorité sénatoriale prévoit même d'assortir ces mesures de dispositifs "anti-fraudes" et "anti-abus", avec notamment un mécanisme en cours de construction pour lutter contre les "CumCum", une fraude fiscale visant à contourner l'impôt sur les dividendes.
Sur les aides aux entreprises, la chambre haute propose aussi de "recentrer" le crédit impôt recherche (CIR), avec un rendement espéré de 400 millions d'euros.
- Énergie: rééquilibrage électricité-gaz -
Comme les députés lors des débats, les sénateurs s'opposent à la hausse envisagée de la taxe sur les prix de l'électricité, pour "protéger le pouvoir d'achat".
Cette proposition, qui devait rapporter 3,4 milliards d'euros, pourrait faire l'objet d'une "clause de rendez-vous" dans les prochains mois pour moduler cette taxe et rester dans l'objectif d'une baisse globale de 9% des tarifs réglementés au 1er février pour la plupart des Français, comme l'a annoncé mardi le Premier ministre, Michel Barnier.
En revanche, le Sénat propose de relever la taxe sur le gaz, avec un milliard d'euros de recettes espérées.
- Cotisations patronales -
Erigé comme totem par la macronie qui demande sa suppression, la baisse des allègements de cotisations sociales patronales a été retravaillée par le Sénat en commission, avec un rééquilibrage en faveur des allègements sur les bas salaires, dans le but de protéger les entreprises qui emploient beaucoup de salariés au Smic, comme les sociétés d'aide à la personne, de gardiennage ou de ménage.
Coût de la mesure, par rapport à la version gouvernementale: un milliard d'euros.
- Retraites -
Le compromis trouvé entre Les Républicains et le gouvernement pour indexer les retraites sur la moitié de l'inflation dès le 1er janvier - avec un complément au 1er juillet pour les retraites sous le Smic - sera probablement retranscrit dans le projet de budget de la Sécurité sociale lors de son examen dans l'hémicycle à partir de lundi, même s'il pourrait être précisé.
- Contribution de solidarité -
Si le gouvernement s'est dit ouvert à la suppression d'un deuxième jour férié en plus de la "journée de solidarité" dédiée au financement de mesures en faveur du grand âge, le Sénat a opté pour un dispositif alternatif: une "contribution de solidarité", soit un forfait de sept heures annuelles dues par chaque salarié.
Il reviendrait alors aux entreprises de choisir les modalités de mise en place de cette contribution, fléchée elle aussi vers le secteur de l'autonomie. Montant d'économies envisagé: 2,5 milliards d'euros.
- Taxes comportementales -
Le Sénat entend reprendre l'amendement voté à l'Assemblée nationale sur la "taxe soda" (destinée à limiter la quantité de sucres dans ce type de boisson), en l'alourdissant, avec un rendement escompté de 200 millions d'euros; accélérer l'augmentation des taxes sur les tabacs, en portant à 13 euros le prix moyen des tabacs dès 2025 (150 millions d'euros attendus); et renforcer la fiscalité des jeux et loteries en ligne (200 millions d'euros à nouveau).
- Collectivités protégées -
Sans surprise, la "chambre des territoires" s'oppose frontalement aux cinq milliards d'euros exigés par le gouvernement sur le fonctionnement des collectivités locales. Elle a supprimé en commission la réduction du Fonds de compensation pour la TVA (FCTVA), censée rapporter 800 millions.
Quant au fonds de "précaution" de 3 milliards d'euros, qui consiste en un prélèvement sur les recettes des 450 plus grandes collectivités, il risque d'être remodelé en profondeur dans l'hémicycle par les sénateurs, soucieux de protéger, notamment, les départements.
- Coups de rabot -
La droite sénatoriale veut surtout s'attaquer aux dépenses de l'Etat, un volet que l'Assemblée nationale n'a pas pu examiner en séance publique. De nombreuses "missions" budgétaires pourraient donc voir leurs crédits diminués par le Sénat.
La Haute assemblée a ainsi déjà voté en commission la suppression du service national universel (SNU), une réduction d'un milliard d'euros de crédits non-consommés sur la formation des enseignants, ou encore le resserrement du budget de l'Aide médicale d'Etat (AME), un dossier ultrasensible.