Budget: pourquoi le gouvernement veut davantage taxer les emballages plastiques

Le gouvernement de Sébastien Lecornu entend taxer davantage les emballages plastiques pour responsabiliser la filière, face au faible taux de recyclage qui vaut à la France d'importantes pénalités financières. Mais fabricants de plastique et industrie agroalimentaire s'insurgent.

. Que veut faire le gouvernement?

Le projet de budget, actuellement examiné par la commission des finances de l'Assemblée, prévoit dans son article 21 un "verdissement de la fiscalité des déchets", incluant l'instauration d'une "taxe sur les emballages plastiques".

Les emballages commercialisés et non recyclés seraient taxés à hauteur de 30 euros par tonne en 2026, 60 euros par tonne en 2027, 90 euros par tonne en 2028, 120 euros par tonne en 2029 et 150 euros par tonne en 2030.

Pour donner un ordre de grandeur, le géant agro-industriel Danone a déclaré avoir utilisé 670.000 tonnes d'emballages plastiques en 2024. 85% des emballages qu'il a utilisés sont "réutilisables, recyclables ou compostables".

Les retombées fiscales attendues sont relativement modestes, 29 millions d'euros en 2026, 56 millions d'euros en 2027 et 150 millions d'euros en 2028, selon l'évaluation du ministère de l'Economie.

. Quelle justification?

La mesure "a pour objet d'inciter à une meilleure prise en compte de l'impact des emballages en plastique, en responsabilisant les acteurs", indique le gouvernement, qui doit atteindre des objectifs européens de recyclage des emballages.

Un quart seulement (25,9%) des emballages plastiques étaient recyclés en France en 2023, loin de la cible de 50% au 1er janvier 2025 et de 55% en 2030. La moyenne européenne est à 42%.

Or, depuis le 1er janvier 2021, une contribution proportionnée aux déchets d'emballages plastiques non recyclés est appliquée pour abonder le budget de l'Europe. Sur 7,2 milliards d'euros perçus au total dans ce cadre en 2023, la France s'est acquittée de 1,56 milliard d'euros.

Le gouvernement déplore aussi que le poids des bouteilles en plastique pour boissons mises sur le marché ait augmenté de 9% entre 2020 et 2024, "dans le sens contraire des objectifs fixés par la loi".

. Qui paierait la taxe?

"La fiscalité relative aux déchets porte aujourd'hui exclusivement sur les apporteurs de déchets", à travers la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), dit encore le gouvernement.

Certains, notamment les associations de collectivités territoriales chargées de la collecte des déchets, jugent inéquitable "l'absence de contribution fiscale" au niveau de la commercialisation des produits qui génèrent des déchets. Elles trouveraient plus juste que l'industrie agroalimentaire, qui met des produits emballés de plastique sur le marché, soit également taxée.

La puissante Coopération agricole s'est insurgée dès jeudi, assurant dans un communiqué que cette nouvelle taxe serait "un choc fiscal sans précédent pour les entreprises agroalimentaires", qui s'acquittent déjà d'une "écocontribution".

Yves Fantou, président de Culture Viande (280 entreprises d'abattage, découpe, préparation et commerce de viande), a aussi évoqué un "fardeau insoutenable", alors qu'"aucune solution technique ne remplace aujourd'hui le plastique sans compromettre la sécurité, la conservation et la traçabilité des viandes".

Le plastique est étroitement imbriqué dans le processus de fabrication et conditionnement de nombreux produits de consommation courante, des barquettes de viande ou jambon aux pots de yaourts, en passant par les bouteilles d'eau ou de boissons.

. Que dit la plasturgie?

Les emballages alimentaires, principalement ciblés par la mesure, pèsent 20% des débouchés du secteur de la plasturgie, précise le principal syndicat national des industriels du secteur, Polyvia.

Son directeur général Xavier Chastel a déploré lundi auprès de l'AFP une mesure décidée sans concertation alors que la filière travaillait à "l'incorporation de davantage de matières plastiques recyclées" dans ses produits.

"La mesure n'atteindra pas son objectif soi-disant environnemental", juge le dirigeant, pour qui les principaux freins au recyclage sont "le tri par les ménages à leur domicile et la collecte mise en place par les collectivités locales".

Elipso, syndicat professionnel des emballages plastiques, estime aussi que la mesure "risque d'accentuer les délocalisations dans des zones européennes moins réglementées et de réduire les marges d'investissement dans le recyclage".

De leur côté, les ONG Zero Waste France et Surfrider Foundation Europe se sont réjouies du fait que le principe du "pollueur-payeur" s'applique "enfin", mais jugent le montant trop faible.

mdz-ngu-cda/abb/rhl