Le chaudron de l'Assemblée, saison 2: les députés s'attendent à une nouvelle salve de 49.3 du gouvernement cet automne pour faire passer son budget, qui donnera lieu à une bataille mouvementée sur le pouvoir d'achat, le logement ou l'écologie.
Sans majorité absolue et sans accord en vue avec la droite, l'exécutif devrait, comme l'an dernier, recourir à dix reprises à cette arme de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, pour permettre l'adoption sans vote des projets de budget de l'État (PLF) et de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2024.
En guise de galop d'essai, il pourrait d'ailleurs déclencher un 49.3 dès mercredi, sur le projet de loi de programmation 2023-2027, qui fixe la trajectoire budgétaire jusqu'à la fin du quinquennat.
Devant les parlementaires de la majorité, Élisabeth Borne a préparé les esprits. "Certains crieront au déni de démocratie, mais ne laissons pas dire n'importe quoi. (...) Nous ne laisserons pas la France sans budget", a-t-elle lancé sous les applaudissements de ses troupes.
La Première ministre s'exposera alors à des motions de censure, mais les patrons de LR, dont le vote serait crucial pour faire tomber le gouvernement, semblent temporiser.
Les 49.3, "ça ne fait plaisir à personne", mais tout "le monde s'y attend", convient la présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet (Renaissance), qui espère "que les débats seront plus apaisés" que l'an dernier.
Un voeu pieu ? Pouvoir d'achat, transition écologique, coût de l'énergie, logement, "superprofits": les sujets d'affrontements politiques ne manqueront pas autour d'un budget qui prévoit 16 milliards d'euros d'économies en 2024, selon Bercy.
- "Pression forte" -
"La pression va être très forte", a prévenu Eric Coquerel, le président LFI de la commission des Finances. A ses yeux, le budget sera "rempli de contradictions" entre les investissements nécessaires, notamment sur "la transition écologique" et les économies annoncées.
Il y aura "quelques jours en séance publique, où on va gagner des trucs. Ca va les énerver et ils vont sortir le 49.3", prédit une source socialiste.
"La question maintenant, c'est quel 49.3?", souligne Eric Coquerel, qui appelle le gouvernement à conserver les amendements adoptés dans l'hémicycle.
L'arme constitutionnelle, qui interrompt immédiatement les débats, octroie en effet à l'exécutif le droit de choisir quels amendements retenir ou écarter, même s'ils ont été votés à l'Assemblée.
Un couperet qui remet les tractations hors du Palais Bourbon au centre de l'échiquier. "On sait qu'on va négocier directement" les mesures qui seront conservées via le 49.3, souffle une source au sein du groupe Renaissance.
Mais en privé certains députés, y compris dans la majorité, s'agacent du peu de considération de Bercy pour leurs propositions.
Les alliés du MoDem ont eux transmis en amont au gouvernement 32 propositions, dont "beaucoup portent sur le logement", explique le chef du groupe Jean-Paul Mattei.
A gauche, l'alliance de la Nupes travaille à un "contre-budget", pour réclamer comme l'an dernier une taxation temporaire des "superprofits" des grandes entreprises et faire la part belle au logement, à l'éducation et à la transition écologique.
"On va porter à nouveau la question de l'ISF climatique", promet la patronne des députés écologistes Cyrielle Chatelain.
A droite, les LR appellent à serrer la vis budgétaire. Mais le chef du groupe Olivier Marleix souhaite aussi un "bouclier sur le carburant", dont les prix remontent.
Sur ce sujet sensible, le gouvernement a fâché toutes les oppositions avec sa mesure - prévue dans un autre texte - d'autoriser les ventes à perte dans les stations, la grande distribution ayant déjà annoncé qu'elle ne l'appliquerait pas.
Le Rassemblement national axe lui ses propositions sur "la justice fiscale et le pouvoir d'achat". Il propose le remplacement de l'impôt sur la fortune immobilière par "un ISF ciblant la spéculation financière".
Le groupe indépendant Liot souhaite un chèque alimentaire et un chèque carburant pour les plus modestes, ainsi qu'une hausse des bourses étudiantes, financée notamment par une taxe sur les superprofits ou une extension de celle appliquée aux transactions financières.
Les débats doivent démarrer dans l'hémicycle à partir du 17 octobre.