Une association luttant contre le bruit des avions a jugé jeudi "scandaleux" et "extrêmement mesquin" le projet du gouvernement de puiser dans les budgets d'insonorisation des logements de riverains d'aéroports, dont des dizaines de milliers doivent encore faire l'objet de travaux.
"On trouve ça scandaleux. En termes de politique, c'est prendre aux petits et laisser les riches continuer de voler avec un kérosène non taxé", a déclaré à l'AFP Françoise Brochot, présidente de l'Association de défense contre les nuisances aériennes (Advocnar).
L'article 43 du projet de loi de finances (PLF) publié mardi instaure un prélèvement "au profit du budget général" dans la partie de la trésorerie des aéroports abritant le produit de la taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA), acquittée par les compagnies aériennes.
Si elle est votée, cette mesure verrait la trésorerie concernée du gestionnaire des aéroports parisiens, Groupe ADP, écrêtée au-delà de 45 millions d'euros sur la base des chiffres de fin 2025. Fin 2024, ce budget, ne pouvant pas être affecté à un autre usage, totalisait déjà 123 millions d'euros, augurant d'un rendement de près de 80 millions au profit du budget de l'Etat.
"C'est extrêmement mesquin que d'aller prendre dans un fonds qui est destiné pour une grande partie à des gens modestes", a poursuivi Mme Brochot.
Mardi, le gouvernement a évoqué "un ralentissement de la demande d'indemnisation (...) observé pour certains aéroports", phénomène qui "peut notamment s'expliquer par la diminution progressive structurelle du stock de logements à indemniser".
Mais pour l'Advocnar, les personnes éligibles à l'aide à l'insonorisation de leur logement ne sont pas forcément au courant du dispositif. L'association demande de longue date un "plan volontariste" de sensibilisation de la part des gestionnaires d'aéroports, a noté Mme Brochot.
Selon elle, quelque 33.000 logements restent concernés rien qu'en Ile-de-France, de même que 150 établissements scolaires, avec des budgets de travaux moyens de 10.000 euros par appartement et 15.000 par maison, et à partir de 200.000 pour les écoles: "l'argent peut partir très vite".
En outre, les compagnies aériennes "ne paient pas cette taxe pour qu'elle parte dans le budget général de l'Etat", a remarqué la présidente de l'Advocnar.
Le député et porte-parole du groupe Socialistes et apparentés Romain Eskenazi, élu du Val-d'Oise, un département particulièrement concerné par les survols d'avions de l'aéroport Charles-de-Gaulle, a dénoncé de son côté une mesure "injuste et absurde".
"Ponctionner un fonds destiné à réparer les nuisances sonores, c'est faire financer le budget de l'État par les victimes du bruit aérien", a-t-il argumenté dans un communiqué.
Les excédents concernés "ne sont pas des surplus, mais des réserves nécessaires pour financer les chantiers programmés. En vidant ces ressources, l'État bloque des opérations essentielles", a martelé le député, en rappelant que le PS milite pour sa part pour une hausse de la TNSA de nuit, la création d'une taxe "grands voyageurs" et un alourdissement de la fiscalité sur les jets privés.
Le Groupe ADP, dont l'Etat contrôle 50,6% du capital, n'a pas réagi depuis la publication du PLF.
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