Blocages des "gilets jaunes": 124.000 participants, un mort et des blessés sur les barrages

Quelque 124.000 "gilets jaunes" protestent samedi dans toute la France contre la hausse des taxes sur le carburant et la baisse du pouvoir d'achat, au sein de 2.000 rassemblements parfois tendus qui ont entraîné des accidents faisant un mort et près de 50 blessés.

"Gilets jaunes, colère noire", "Jupiter, redescends sur terre, c'est la misère": les manifestants, qui arboraient parfois un message sur leur gilets, bloquaient des accès sur les autoroutes, des ronds-points ou organisaient des opérations de péage gratuit dans l'ensemble du pays.

Les "gilets jaunes" n'ont pas réussi à bloquer la France, comme ils le voulaient, mais tout le territoire a été touché par leurs actions, ce qui marque un succès certain pour ce mouvement, parti des réseaux sociaux et organisé en dehors des partis politiques et des syndicats.

Plusieurs milliers de personnes ont manifesté à Dijon, où la situation était tendue en milieu d'après-midi.

A Rennes, la circulation a été bloquée par des piétons sur la rocade. A Laval, environ 600 véhicules et 170 motos ont été mobilisés pour une opération escargot, selon la préfecture de la Mayenne.

A Paris, quelques centaines de "gilets jaunes", la plupart venus des départements alentours, se trouvaient place de la Concorde, où ils ont organisé des barrages filtrants avec des barrières, n'hésitant pas à huer les automobilistes mécontents aux cris de "Rentre chez ta mère !".

Dans la matinée, plusieurs incidents graves ont eu lieu sur des points de blocage dans le pays: une manifestante a été tuée en Savoie et 47 personnes blessées dont trois gravement selon le ministre Christophe Castaner qui a également annoncé 24 interpellations et 17 gardes à vue.

Au Pont-de-Beauvoisin (Savoie), une conductrice qui emmenait sa fille chez le médecin a été prise de panique quand les manifestants se sont mis à taper sur sa voiture. Elle a foncé alors sur eux, percutant mortellement une femme de 63 ans, a déclaré le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner.

Cette manifestation, comme de nombreuses autres organisées en France pour protester contre la hausse des taxes sur le carburant, n'était pas déclarée.

- "Eviter tout drame humain" -

En début d'après-midi, le préfet de l'Isère a appelé à "cesser les rassemblements". Il en a appelé à "la responsabilité de chacun pour éviter tout drame humain". Il y a eu dix interpellations dans ce département "en raison de comportements dangereux ou d'incivilités graves".

Dans l'Hérault, à Bessan, un automobiliste excédé a sorti un pistolet puis a tiré en l'air à deux reprises. Aucun blessé n'est à déplorer et l'homme a été interpellé, selon la gendarmerie.

"C'est toute l'inquiétude que nous avions d'avoir des manifestations non organisées par des gens qui n'ont pas forcément l'habitude", a déclaré le ministre.

"J'appelle à la prudence, la vigilance", a-t-il ajouté précisant toutefois que la plupart des manifestations étaient "bon enfant".

A Marseille, quelque 350 manifestants s'étaient rassemblés aux abords d'un rond-point à la sortie de la ville. Pierre, retraité, est venu les soutenir: "On demande de plus en plus de mobilité aux salariés. La voiture est un outil indispensable".

"Je suis infirmière libérale, je travaille aujourd'hui mais je suis solidaire du mouvement", a renchéri une autre automobiliste qui en "a marre d'être taxée".

- "Signe extérieur de pauvreté" -

Une étude publiée samedi par L'Argus note que les départements où les automobilistes roulent le plus en véhicule diesel sont aussi ceux où résident le plus de ménages non imposés. Le diesel est devenu un "signe extérieur de pauvreté", en déduit la publication spécialisée.

L'exécutif n'a cessé de mettre en garde contre la récupération politique de ce mouvement de protestation qui se veut apolitique et asyndical. Mais plusieurs représentants politiques ont apporté leur soutien.

Laurent Wauquiez, le chef de LR, a participé à une manifestation au Puy-en-Velay: il a appelé Macron à comprendre et "corriger ses erreurs". "Ce qui se passe est injuste", a-t-il déclaré.

Des élus du Rassemblement national étaient également présents aux côtés des "gilets jaunes", mais pas Marine Le Pen.

"Je souhaite que cette mobilisation permette une prise de conscience et que le gouvernement entende ce que les Français ont à lui dire", a déclaré sur franceinfo Olivier Faure, premier secrétaire du PS.

Des Insoumis participaient aussi aux manifestations. Leur leader Jean-Luc Mélenchon a critiqué sur Twitter une "manipulation des chiffres de participation" et une "dramatisation" de la part du gouvernement.

A l'initiative de cette grogne, des membres de la société civile se sont mobilisés contre la hausse du prix des carburants avant que les motifs de grief ne s'élargissent à une dénonciation plus globale de la politique du gouvernement en matière de taxation et à la baisse du pouvoir d'achat.

Au 1er janvier 2019, les taxes sur le gazole doivent augmenter de 6,5 centimes d'euro par litre et celles sur l'essence de 2,9 centimes.

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