Blé ou orge: "ce n'était pas mieux avant", selon les professionnels de la semence

Trouver la variété de blé qui résistera au changement climatique, tout en gardant saveur et rendement, est le Graal des professionnels de la sélection variétale. Ils ne sont aujourd'hui sûrs que d'une chose, "ce n'était pas mieux avant".

Lorsqu'il entend dire que "les variétés d'hier étaient meilleures que celles d'aujourd'hui", le sang de Thierry Momont ne fait qu'un tour.

Président de la section céréales à paille de Semae --l'interprofession qui regroupe les acteurs de la semence (du créateur de variété au metteur en marché)--, il est fatigué des "fake news" et l'explique lors d'une conférence au Salon de l'agriculture, qui se tient à Paris jusqu'à dimanche.

"Ce n'était pas mieux avant. Si on avait utilisé les mêmes variétés qu'il y a 50 ans, les rendements du blé seraient catastrophiques, il n'y aurait plus de céréaliers en France", affirme-t-il.

Il est venu détailler, aux côtés de l'institut technique Arvalis (spécialisé dans la recherche appliquée aux grandes cultures) et d'un agriculteur céréalier, "comment les variétés de blés ont été adaptées pour faire face aux évolutions climatiques et agronomiques depuis 30 ans".

Tout d'abord, dire d'où on vient. Dans la France d'après-Guerre, il faut produire, à grand renfort d'engrais et de pesticides, pour nourrir un pays affamé. La recherche est mise au service de la productivité.

"On a assisté depuis les années 1960 à une progression constante du rendement en blé tendre, qui est arrivé à son apogée aux alentours de 1997. Depuis, il stagne", rappelle Jean-Pierre Cohan, directeur recherche et développement chez Arvalis.

- "Impatience" -

Il présente ensuite un graphique illustrant, depuis la fin des années 1980, l'impact de chaque variété --de la plus ancienne à la plus récente (en abscisse)--, sur le rendement (en ordonnée): la ligne ascendante qui se dessine, "c'est ce qu'on appelle le progrès génétique".

"Cela veut dire que le progrès génétique est constant et heureusement, parce qu'il compense toutes les adversités, qu'elles soient climatiques ou concernant les moyens de production (engrais, pesticides...)", affirme-t-il. C'est ce qui explique que la France soit aujourd'hui le "premier producteur européen de céréales".

Les ingénieurs agronomes d'Arvalis ont aussi testé les différentes variétés dans différentes situations de stress: manque d'azote --composant majeur des engrais-- ou manque d'eau: "les variétés les plus récentes sont toujours plus performantes".

Selon Jean-Pierre Cohan, la recherche a permis de renforcer la résistance des céréales aux maladies. Alors qu'en 2005, 70% des surfaces cultivées en blé étaient sensibles à la septoriose, principale maladie de la céréale du pain, en 2022, c'est "la proportion inverse", avec 70% ayant développé une tolérance à cette maladie.

C'est encore plus frappant pour l'orge d'hiver, dont "100% des variétés" sont aujourd'hui tolérantes à la JNO (jaunisse nanisante de l'orge).

Si 25 à 30 variétés nouvelles de blé sortent chaque année, c'est la course contre la montre, explique François Jacques, céréalier en Meurthe-et-Moselle et vice-président de l'association des producteurs de blé (AGPB).

"Les modifications du climat et l'apparition de nouvelles maladies font que la durée de vie des variétés cultivées est d'environ cinq ans", dit-il, expliquant qu'il attend avec "impatience" les "nouveautés" du catalogue.

"Est-ce qu'on peut faire mieux ou plus? La réponse est oui, et notamment avec l'édition génomique", affirme Thierry Momont, de Semae.

Il s'est réjoui des avancées sur ce dossier, alors que la présidence polonaise de l'UE vient de proposer un compromis aux Etats sur l'utilisation des "nouvelles techniques génomiques" (NGT), qui permettent de modifier le matériel génétique des plantes sans ajout extérieur.

Ces technologies, qualifiées de "nouveaux OGM" par leurs détracteurs, "ne sont pas transgéniques, contrairement aux OGM", a-t-il souligné.

C'est en revanche "un outil de plus dans la panoplie" du chercheur, permettant une "accélération du processus de sélection, pour avoir plus rapidement des variétés résistantes", a-t-il expliqué.

C'est tout ce que demande François Jacques, qui a opté pour une agriculture "de conservation des sols", limitant les labours, et qui se pose la même question chaque année: "Est-ce que je vais gagner ma vie avec le blé que je produis?"