Bataille autour de la préservation de l'eau dans l'Ouest

Pesticides, inondations, sécheresses: comment préserver l'eau potable, altérée par des pratiques agricoles et industrielles, et atténuer les effets du changement climatique? C'est le jeu d'équilibriste auquel se livrent des acteurs de l'eau en Bretagne depuis plus de trois ans.

Elus, représentants des mondes agricole, industriel, associatif se retrouvent jeudi à Châteaubourg (Ille-et-Vilaine) pour la révision du Schéma d'aménagement et de gestion de l'eau (SAGE) du bassin versant du fleuve Vilaine.

Après une quinzaine de réunions, une enquête et une consultation publiques, divers ateliers, cette réunion devait être la dernière. Mais "suite à notre pression", le vote final a été repoussé au 16 janvier, a annoncé le premier syndicat agricole FNSEA-JA.

Ce texte vise à améliorer la qualité des masses d'eau, aujourd'hui très mauvaise, sur ce territoire qui englobe six départements, de la Mayenne au Morbihan, avec 1,3 million d'habitants.

L'Agence de l'eau Loire-Bretagne parlait mercredi dans un état des lieux de "pressions persistantes" liées à des aménagements, aux "pollutions diffuses agricoles" et à des prélèvements dans des secteurs déficitaires, le tout sur fond de réchauffement climatique.

Les inquiétudes dépassent ce territoire.

"C'est un problème de santé publique", martèle Pascal Hervé, vice-président de Rennes métropole. Mais aussi environnemental et économique, avec des entreprises agro-industrielles très consommatrices en eau. "Il faut absolument qu'on fasse du préventif plutôt que du curatif", plaide-t-il.

Une règle cristallise les tensions, dans un territoire très agricole: l'interdiction d'herbicides pour maïs dans des parcelles sensibles à l'érosion, situées dans une poignée d'aires d'alimentation de captage en eau potable. Il s'agirait d'une première en France.

Le but: éviter qu'en cas de pluie, ces polluants se retrouvent dans l'eau. Des dérogations restent possibles en cas d'impasses techniques ou climatiques et une aide financière est prévue pour passer au désherbage mécanique. La version soumise au vote est celle amendée par les chambres d'agriculture.

La FNSEA-JA demande dans un courrier aux préfets, signé par l'agro-alimentaire (ABEA), des coopératives (Evel Up, Le Gouessant) ou encore les comités régionaux porcins "la réécriture des règles, et pour certaines, leur suppression" et "une étude d'impact socio-économique spécifique au secteur agricole".

FNSEA-JA et la Coordination rurale, deuxième syndicat agricole, appellent à manifester à Châteaubourg avant de se rassembler à 15H devant la préfecture à Rennes.

"C'est une sur-réglementation" faite "à marche forcée, sans concertation", déplore Franck Pellerin, de la FDSEA du Morbihan.

- "Pollueur-payeur" -

La Confédération paysanne, troisième syndicat agricole, AgroBio35 et des associations, qui saluent un "bon travail" de concertation, appellent à une contre-manifestation.

Plusieurs dénoncent un lobbying de l'agriculture intensive et des fabricants de pesticides pour ne pas changer de pratiques.

"On ne peut plus attendre", plaide Marie-Eve Taillecours de la Confédération paysanne. "L'interdiction d'herbicides maïs est bienvenue, c'est un petit pas", qui concerne "moins de 16.000 hectares" sur 140.000 couverts par le SAGE Vilaine, fait valoir l'éleveuse de brebis.

En jeu, l'explosion prévue des coûts de dépollution de l'eau dans les années à venir, aujourd'hui payés par les consommateurs.

S'il est possible de rajouter des traitements pour potabiliser l'eau, "il serait suicidaire de les considérer comme une solution définitive, en raison de risque d'impasses technologiques et économiques et des impacts environnementaux négatifs", alerte Régis Taisne, de la FNCCR, une fédération de collectivités.

Ces dernières demandent notamment "une réelle application du principe pollueur-payeur", poursuit-il, pour éviter que les hausses de facture retombent uniquement sur les consommateurs.

"Il faut bien apprécier qui est le pollueur, à partir du moment où il y a de la vie, nous sommes tous pollueurs", répond Franck Pellerin, de la FDSEA Morbihan.

Au-delà du secteur agricole, la révision du SAGE Vilaine concerne des activités industrielles, touristiques, l'urbanisation...

"Tout le monde est concerné, pas que les agriculteurs", insiste Pauline Pennober, de l'association Eau et Rivières de Bretagne.

"La situation est déjà extrêmement tendue", avec des périodes de sécheresse en 2022 et des inondations début 2025, dans une région où la population va croître, poursuit-elle. "La seule chose qui nous reste à faire, c'est de protéger la ressource", défend-t-elle.