Est-il possible de renouer le dialogue entre partisans et opposants des réserves d'eau dans les Deux-Sèvres après les violents affrontements répétés à Sainte-Soline? Le comité de bassin Loire Bretagne a ouvert une voie, mais elle semble encore bien étroite.
Le 4 juillet, ce comité, qui regroupe usagers, élus et représentants de l'Etat, a voté à la quasi-unanimité une motion "pour favoriser la reprise du dialogue", aboutir à un "pacte de gouvernance territorial, pour une gestion publique transparente" et revoir le protocole d'accord de 2018 sur lequel repose le projet de 16 retenues.
La démarche a été saluée à la fois par les irrigants et les détracteurs des "mégabassines", un point d'accord rarissime - et soumis à des bémols - dans ce dossier où les positions se sont radicalisées jusqu'aux violents heurts entre manifestants et forces de l'ordre en octobre et mars à Sainte-Soline.
Selon cette motion, un bureau d'étude indépendant doit évaluer "les engagements" collectifs pris par les irrigants dans le protocole de 2018, qui conditionnait la construction de ces réserves à l'adoption de pratiques tournées vers l'agroécologie.
Jugeant insuffisantes les avancées en la matière, plusieurs associations signataires se sont depuis retirées du protocole, qui "n'a pas marché", admet aujourd'hui Thierry Burlot, président du comité de bassin.
- Arrêt des chantiers exigé -
La motion propose donc des évolutions majeures, notamment que ces engagements soient désormais "individuels et collectifs".
Le comité de bassin veut aussi mieux prendre en compte les "conséquences du dérèglement climatique", en particulier "l'évaporation de l'eau" dans ces retenues stockant en plein air l'eau puisée en hiver dans les nappes superficielles.
Il peut compter sur l'appui de l'Etat, qui "s'est associé à cette motion" et "continuera de soutenir le travail de cette mission, pour faciliter la mise en oeuvre de la feuille de route validée par le comité de bassin", a indiqué à l'AFP la préfète coordonnatrice de bassin, Régine Engström.
Thierry Boudaud, président de la Coop de l'eau, le groupement de 450 agriculteurs porteur du projet, a lui évoqué "une piste d'apaisement, une motion qui propose des points de discussions importants sur la gouvernance, le partage de l'eau".
"On jouera le jeu", a-t-il promis.
Le collectif Bassines Non Merci et la Confédération paysanne, opposants historiques à ces "mégabassines" symboles selon eux de "fuite en avant" du modèle "productiviste", ont évoqué une démarche "bénéfique".
Mais ils exigent tous deux "un arrêt immédiat des chantiers en cours", avant toute reprise du dialogue.
"Sans cet indispensable signal préalable d'apaisement, aucune piste concrète de sortie ne nous semble envisageable", ajoute Bassines Non Merci, qui dénonce la "répression" et la "criminalisation féroces" subies par les opposants aux réserves.
Une dizaine de procédures judiciaires visent des dirigeants associatifs et syndicaux ou des manifestants après le rassemblement interdit de mars à Sainte-Soline, qui avait fait 200 blessés parmi les manifestants selon les organisateurs.
Une seule réserve est déjà opérationnelle en attendant le premier remplissage prévu l'hiver prochain de celle de Sainte-Soline, mais les opposants redoutent le lancement de nouveaux chantiers à l'automne.
- "Poudrière" -
Pour Thierry Burlot, "les agriculteurs ne voulaient pas entendre parler de moratoire, donc il a fallu trouver un compromis pour voter la motion".
"On est sur une poudrière, j'essaye de faire en sorte que chacun garde son calme d'ici à la fin de l'année. J'ai dit à la Coop de l'eau que ce serait bien de ne pas engager de nouveaux chantiers et demandé aux manifestants que les éventuels nouveaux rassemblements se passent bien", ajoute-t-il.
Si les nouveaux chantiers étaient provisoirement gelés, "ce serait pas mal", juge Jean-Jacques Guillet, de Bassines non Merci qui organise un convoi en tracteurs et à vélo du 18 au 27 août, de Sainte-Soline à Paris.
"Il serait temps de rebattre les cartes et de tenir compte du réchauffement climatique (...) c'est complètement incohérent de stocker de l'eau au soleil avec le réchauffement", ajoute-t-il.
Thierry Burlot, lui, veut faire confiance à "l'intelligence collective".
"Le dossier de Sainte-Soline ne nourrit que les extrêmes, il est temps de mettre du bon sens là-dedans", dit-il.