Barrage autour d'une retenue d'eau à La Clusaz

Des cris de joie résonnent sur le plateau de Beauregard, face au massif des Aravis quand arrive la nouvelle: les travaux de défrichement prévus par la mairie de La Clusaz pour construire une nouvelle retenue d'altitude destinée à alimenter la station de ski vont être suspendus.

"Victoire", proclame un panneau à l'entrée de la "CluZAD", installée par des militants écologistes pour bloquer le chantier autorisé fin septembre par un arrêté préfectoral.

"Les luttes écologiques, c'est souvent tellement d'énergie pour si peu de victoires. C'est tellement précieux d'avoir ça". Ingrid affiche un grand sourire, à l'annonce de la décision du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble de suspendre cet arrêté.

A proximité, les militants des associations et collectifs qui ont saisi la justice pour contrer le projet qu'ils jugent inutile et préjudiciable à l'environnement savourent aussi l'instant.

"On est soulagé", confie Valérie Paumier, des collectifs Résilience Montagne et Sauvons Beauregard. "Et on est déçu pour les déçus parce que ça veut dire aussi qu'on n'a jamais pu s'asseoir autour d'une table et discuter vraiment des enjeux de l'eau et des enjeux du territoire".

Le projet a fait monter les tensions entre partisans et opposants que divisent aussi leur vision de la montagne, de la gestion de la ressource eau et de l'avenir des stations de ski, de plus en plus dépendantes des canons à neige.

Le juge, lui, a estimé que "l'intérêt public qui découle de la réalisation d'une retenue collinaire essentiellement destinée à assurer l'enneigement artificiel de la station est insuffisant à remettre en cause l'urgence qui tient à la préservation du milieu naturel et des espèces qu'il abrite" - surtout des chauve-souris et des grenouilles, mais aussi des insectes, oiseaux et reptiles.

Pour le maire de La Clusaz, Didier Thévenet, l'ordonnance "ne préjuge en rien du fond du dossier" et le projet reste "légitime", "indispensable" pour l'approvisionnement en eau du village. Il compte aller en cassation pour faire valoir ses arguments.

- "Equilibre" -

L'élu assure que la majorité des villageois sont favorables à la retenue, ce que relève le rapport de la commission d'enquête. Il déplore que les opposants en aient fait un "totem contre le ski". Car sur les 148.000 m3 prévu, un tiers doit être consacré à l'eau potable, et le reste à la production de neige artificielle.

"On a besoin de l'argent généré par l'hiver" car la station "n'est pas encore capable de vivre du 4-saisons", souligne Joffrey Maistre, un habitant membre du Collectif de Jeunes Cluses engagés (CJCE), qui soutient le projet sur les réseaux sociaux. Comme beaucoup à La Clusaz, le jeune homme de 25 ans vit du tourisme.

Pour les défenseurs de la retenue, ce sont les bénéfices générés par l'exploitation du domaine sur les trente prochaines années, à la faveur d'une capacité suffisante en enneigement artificiel, qui permettront de financer la transition nécessaire.

Jean-Christophe Hoff, directeur des remontées mécaniques, assure ainsi qu'avec une cinquième retenue, la station se mettrait "à niveau" de ses concurrentes, alors que l'engouement pour le ski ne faiblit pas. Selon lui, les aménagements prévus ont été conçus avec "équilibre", sur "cette ligne de crête qui est vraiment pas évidente entre le durable d'un côté, l'économie de l'autre".

De son côté, la préfecture rappelle que le projet a été retenu d'utilité publique après avis favorables du Conseil national de la protection de la nature (CNPN), de l'Autorité environnementale, et de la commission d'enquête publique.

Le camp écologiste, lui, salue la victoire de "ceux qui défendent le vivant". "L'avenir implique un changement de cap de la politique régionale portée par Laurent Wauquiez, avec la fin des subventions aux canons à neige", souligne un communiqué du groupe régional EELV.

"C'est bien de l'avenir de la montagne dont il faut débattre et de la capacité à organiser la transition (....) et y consacrer les ressources nécessaires pour accompagner la création de nouvelles activités", estime ce communiqué.

Pour Valérie Paumier, la militante de "Sauvons Beauregard", "la transition ça va douloureux pour tout le monde, et le plus tôt est le mieux".

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