Barbara Pompili, la ministre funambule

Arriviste, malhabile, voire "traîtresse"... la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, encaisse les amabilités de l'opposition mais aussi de ses "amis" de la majorité, à l'heure de jouer une partie de son avenir avec l'examen de la loi climat.

"Elle sait bien que sa loi ne va pas... Si elle était encore députée, elle serait très mécontente", croit savoir Mathieu Orphelin, un proche qui, comme elle, avait quitté EELV pour rejoindre le candidat Emmanuel Macron - elle avait été la première membre du gouvernement Cazeneuve à le faire, en mars 2017.

M. Orphelin a depuis quitté La République en marche, quelques mois avant que Barbara Pompili, 45 ans, soit devenue numéro trois du gouvernement, en juillet dernier.

Etait-ce une erreur de lui avoir proposé? Et pour elle d'avoir accepté? "Pompili fait le boulot, mais le problème, c'est qu'on a mis des écolos à l'écologie", regrette un haut cadre de LREM: "Tout ce qu'ils font n'est pas mis à leur crédit, et ce qu'ils ne font pas est mis à leur débit".

Barbara Pompili, choisie par le président de la République pour "incarner" la fibre verte de la majorité, est devenue pour d'aucuns l'énième avatar du hiatus macronien sur les questions environnementales.

"J'ai de l'estime pour la personne. Mais elle a fait un choix politique. Elle appartient à un gouvernement qui ne fait pas de l'écologie sa priorité", tacle le député PS Guillaume Garot, selon qui "le sujet, ce n'est pas Barbara Pompili, c'est si cette loi est utile ou pas: aujourd'hui ce texte sonne creux".

Inspirés par les propositions de la Convention citoyenne pour le climat (CCC), les 69 articles touchent de nombreux domaines, mais l'exécutif se retrouve en porte-à-faux avec la CCC, qui l'accuse de "détricoter" son travail.

- Soutien de Macron en 2022 ? -

La ministre se doit d'être funambule: assumer les arbitrages du gouvernement et ménager les sensibilités de la majorité, tiraillée entre une aile libérale et une frange plus "écolo-compatible".

L'exercice résonne comme une métaphore de sa carrière politique, elle qui aime à préserver des amitiés avec ses anciens camarades Verts.

Cette fille d'institutrice qui a grandi dans le bassin minier du Pas-de-Calais, aujourd'hui établie à Amiens, avait adhéré en 2000, à l'âge de 25 ans, au parti d'Yves Cochet, "son mentor", et de Noël Mamère, pour qui elle a travaillé lors de la campagne présentielle de 2002.

"Je lui conseille de ne pas vouloir donner des gages ou de s'attirer les bonnes grâces du milieu associatif ou d'EELV, qui ne cherchera pas à valoriser ce qui avance", souffle son prédécesseur au ministère et ami François de Rugy, selon qui "il faut qu'elle développe notre vision de l'écologie sans chercher à avoir une bonne note."

Car à faire l'acrobate, Mme Pompili s'est attirée de sévères critiques, aujourd'hui relayées par la majorité, depuis qu'elle a rejoint "En commun", l'aile gauche - et critique - de LREM.

"Elle n'est plus applaudie à l'Assemblée nationale depuis un moment", relève un député, selon qui "elle a perdu des soutiens car elle a trahi". Quand un ministre observe que "le principe de Barbara Pompili, c'est la survie: elle veut toujours trouver un angle pour survivre au coup d'après et traverser les alternances".

Car la ministre a semé le trouble, à peine nommée dans le gouvernement Castex, en laissant entendre que son soutien à la candidature d'Emmanuel Macron en 2022 n'allait pas de soi.

"Elle joue sa propre partition", soupire un conseiller de l'exécutif, qui se rappelle que "les députés ont été consternés par sa nomination: ils se sont dit qu'avait encore été récompensée la plus arriviste et pas celle qui jouerait le plus collectif".

La numéro trois du gouvernement jure désormais que sa loyauté au chef de l'Etat est inattaquable. Quoi qu'il en coûte? Un cadre d'EELV prédit les derniers jours de Pompili: "Dans quelques mois, elle nous dira : +Je n'ai rien pu faire bouger car ce gouvernement était trop mauvais+. Et peut être même qu'elle nous soutiendra à la présidentielle, qui sait..."