Baptême pour le navire de soutien de la future mission Polar Pod de Jean-Louis Etienne

"Maillon essentiel" de la future expédition Polar Pod, qui doit étudier les étendues hostiles de l'océan Austral, puits de carbone majeur pour le climat, "Persévérance", goélette géante prête à affronter les tempêtes, a été baptisée mercredi dans le Vieux port de Marseille.

"Plus grand voilier océanographique au monde", ce navire de soutien de 42 m de long à la coque renforcée en aluminium assurera tous les deux mois environ la relève d'équipage et le ravitaillement du Polar Pod, plate-forme océanographique dérivante dont la construction doit débuter en octobre et dernier "bébé" du médecin-explorateur français Jean-Louis Etienne.

Il sera "un maillon essentiel de l'expédition", a expliqué Jean-Louis Etienne à l'AFP. Mais comme le voilier "va naviguer dans des régions (très) rarement explorées, il y a une demande de la communauté scientifique pour en faire aussi un vrai navire scientifique", et divers appareillages ont ainsi été installés à l'occasion de cette escale en région marseillaise, a-t-il souligné.

D'ici le départ de la mission Polar Pod, désormais planifié pour juin 2025, "Persévérance", dont le financement de 7 millions d'euros a été rassemblé par l'explorateur, va effectuer diverses traversées, notamment vers le Groenland, emmenant scientifiques et quelques voyageurs payants en plus de ses 8 membres d'équipage.

Le Polar Pod lui même, "navire vertical" stabilisé par 150 tonnes de lest, se dressera 25 mètres au dessus de l'océan, avec une gigantesque structure de tubes métalliques de 75 mètres totalement immergée. Il sera financé par l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer), Jean-Louis Etienne assurant l'exploitation du projet.

Dimensionné pour affronter les plus grosses vagues des "cinquantièmes hurlants", l'engin habité par un équipage de 8 personnes, marins et scientifiques, doit faire deux fois le tour de l'Antarctique, entraîné par le courant marin circumpolaire. Ce voyage de trois ans sera "zéro émission", Polar Pod étant sans moteur, avec une alimentation électrique fournie par éoliennes.

- "Milieu peu documenté" -

Ce programme aura quatre axes de recherches principaux: les échanges océan-atmosphère, cruciaux pour l'évolution du climat ; l'observation satellitaire, permettant de faire des relevés étalonnant les observations depuis l'espace ; l'étude d'une biodiversité encore mal connue ; l'impact des activités humaines, notamment par l'analyse régulière d'échantillons d'eau.

La mission "va permettre d'améliorer la connaissance d'un milieu très très peu documenté", a expliqué à l'AFP Hervé Le Goff, du programme "océan et climat" du CNRS, qui coordonne certaines recherches.

"L'océan austral est un puits de carbone important car il est froid et très turbulent, la pompe à carbone est très efficace, mais mal documentée quantitativement," a-t-il expliqué. Or "les modèles (d'évolution climatique) du Giec ont besoin de données réelles et concrètes relevées in situ pour être robustes".

Jean-Louis Etienne, première personne à avoir atteint le pôle nord géographique en solitaire, en 1986, avait lancé ce projet en 2012.

Inspiré d'un navire océanographique américain, le FLIP (Floating instrument platform), le Polar Pod sera bardé de capteurs et disposera de robots sous-marins. Surmonté d'une superstructure de plusieurs étages comprenant les zones de vie et de recherche, il disposera de mats verticaux avec des voiles lui permettant d'infléchir son cap, notamment pour éviter les icebergs.

Un projet qui est "une illustration de l'excellence de la recherche océanographique française", mais aussi de la coopération scientifique internationale, avec 43 institutions et universités de 12 pays engagées dans le programme de recherches, a estimé le secrétaire d'Etat chargé de la Mer, Hervé Berville, présent à la cérémonie.