Avec leur nouveau code, l'Afep et le Medef veulent verdir la rémunération des patrons

Lier davantage la rémunération des patrons à des objectifs climatiques: c'est une des mesures phares du nouveau code de gouvernance du patronat français, qui incite plus généralement les dirigeants d'entreprises cotées à accélérer sur les enjeux sociaux et environnementaux.

Publiée mardi, la dernière version de ce code recommande que la rémunération des dirigeants d'entreprises soit calculée "en intégrant plusieurs critères liés à la responsabilité sociale et environnementale (RSE), dont au moins un critère en lien avec les objectifs climatiques de l'entreprise."

"Les critères quantifiables doivent être privilégiés", avertissent l'Association française des Entreprises privées (Afep) et le Medef, qui publient ensemble ce guide de bonnes pratiques. Pas question donc de lier la rémunération des patrons à des objectifs vagues dont l'atteinte serait impossible à vérifier.

Reste à savoir comment les entreprises cotées vont s'approprier ces nouvelles préconisations, alors que la "quasi-totalité" des sociétés de l'indice boursier SBF 120 ont adopté le code de gouvernance Afep-Medef.

"Ce sont des recommandations et c'est pris comme tel" par les sociétés cotées, commente Geneviève Ferone Creuzet, fondatrice du cabinet de conseil aux entreprises Prophil.

Ce code "n'est pas parole d'Evangile" mais a la vertu "de rappeler à ceux qui sont en queue de peloton qu'ils s'exposent à des risques", ajoute celle qui est aussi vice-présidente du Shift Project, un groupe de réflexion militant pour la décarbonation de l'économie.

A l'heure actuelle, "la moitié" des 120 grandes sociétés membres du SBF 120 ont fait le pas d'avoir un critère climat" dans le calcul de la rémunération de leurs dirigeants, affirme Bénédicte Hautefort, fondatrice de la fintech Scalens, spécialiste des sociétés cotées.

Par rapport à ses voisins européens, la France serait donc "très en pointe, à la fois dans la prise en compte des critères (RSE) et dans la variété des critères extra-financiers" retenus pour calculer la rémunération des patrons, assure-t-elle.

Plus nuancée, Geneviève Ferone Creuzet juge que le climat se fait "timidement" une place parmi les critères extrafinanciers, aux côtés de nombreux autres indicateurs comme la diversité ou l'égalité homme-femme.

- "Résultats" -

Sur un échantillon de 50 grandes entreprises françaises, seules 22 ont intégré un indicateur de performance lié au climat dans la politique de rémunération de leurs dirigeants pour 2022 et précisé le poids de ce critère dans le calcul, indiquait début décembre l'Autorité des marchés financiers (AMF).

Cet indicateur de performance - souvent un objectif chiffré de réduction des émissions polluantes de l'entreprise - "représente entre 5 et 15% de la rémunération variable annuelle" des dirigeants, indique l'AMF, et "entre 5 et 50%" pour la rémunération à long terme.

A terme, "il faudrait que 20% de la rémunération variable des dirigeants puisse être corrélée à des objectifs quantitatifs de lutte contre le réchauffement climatique", a estimé mercredi sur BFM Business la vice-présidente du Medef, Dominique Carlac'h.

Depuis plusieurs années, "les enjeux RSE sont déjà montés en puissance", se satisfait Geneviève Ferone Creuzet. En 2022, les critères non financiers devraient ainsi conditionner jusqu'à 36% de la rémunération des dirigeants d'entreprises, selon l'AMF.

"Mais la vraie clé, au-delà de la posture, c'est de savoir ce que vous transformez réellement, profondément dans votre modèle économique", ajoute-t-elle.

"Le manuel Afep-Medef c'est bien, mais maintenant il faut des résultats", complète Laurent Morel, associé du cabinet de conseil Carbone 4, spécialisé dans les enjeux énergétiques et climatiques.

Dans cette optique, la dernière version du code Afep-Medef prévoit justement que le conseil d'administration des entreprises cotées "détermine des orientations stratégiques pluriannuelles en matière de RSE".

A charge ensuite pour les dirigeants de ces sociétés de présenter un "plan d'action", un calendrier pour le mettre en oeuvre, et de rendre compte chaque année de l'avancement de ce plan au conseil d'administration.

En plus d'être un enjeu de gouvernance, la prise en compte de la RSE est aussi déterminante pour l'attractivité des employeurs, fait valoir Laurent Morel.

A l'heure où le marché du travail est particulièrement tendu, "si les entreprises veulent continuer à recruter des jeunes, il faut absolument qu'elles démontrent qu'elles sont leaders dans ces matières", insiste-t-il.