Peu encadrés par les partis, les thèmes de campagne qui agitent les débats des élections municipales font moins l'objet de clivages irréconciliables, même si certains marqueurs politiques perdurent, à droite comme à gauche, analysent plusieurs politologues.
Souvent considérées comme épargnées par l'abstention, les élections municipales n'échappent pas à une longue "pente déclinante de participation", observe Stéphane Cadiou, professeur de science politique à l'Université Lyon 2.
Cette abstention s'explique en partie par la relative "standardisation" des politiques publiques locales, analyse le politologue Rémi Lefebvre.
"Les partis ne cherchent pas à contrôler les programmes locaux et il n'y a plus vraiment de programmes nationaux aux municipales. Certes, les socialistes font plus de social, mais globalement tout le monde fait à peu près la même chose", assure ce professeur de sciences politiques à l'université de Lille.
Une tendance qu'il relie à la montée en puissance des intercommunalités, "où les décisions sur le développement économique, le logement, l'urbanisme ou les déchets nécessitent un consensus entre élus de droite et de gauche".
A Bordeaux, le maire écologiste Pierre Hurmic assurait ne pas vouloir être un "maire shérif" et refusait d'armer ses policiers municipaux, avant d'opérer une spectaculaire volte-face fin 2024 en équipant une partie de ses agents, arguant de la hausse de la criminalité.
"Les maires s'adaptent à la sociologie de leur électorat pour conquérir des voix et cela relève davantage d'une logique d'auto-entrepreneur politique que partisane", explique Benjamin Morel, maître de conférences en droit public.
Des thématiques comme la transition écologique ont par ailleurs largement infusé au-delà des divergences politiques, rendant souvent impossible un retour en arrière.
"Chaque maire veut piétonniser, déminéraliser son espace public. Tout le monde veut des services publics locaux de qualité, et même sur les questions fiscales on ne voit pas de différence entre une commune de gauche ou de droite", abonde Martial Foucault, directeur du Cevipof.
-"Nationalisation" des débats-
A Montpellier comme à Paris, les débats sur la mise en place d'une zone à faibles émissions (ZFE) pour limiter la circulation des véhicules les plus polluants ont par ailleurs davantage porté sur les modalités d'accompagnement des automobilistes que sur l'objectif de lutte contre la pollution. Ces débats opposent aussi plus souvent la ville et sa banlieue que les élus d'une même ville.
Mais les marqueurs politiques n'ont pas pour autant disparu. C'est notamment vrai de la construction de logements sociaux imposée par la loi SRU.
"Dans certaines villes huppées de banlieue, une partie de la campagne électorale se joue sur le fantasme du risque d'implantation de logements sociaux qui risquerait de miner les équilibres sociaux d'une ville", assure Stéphane Cadiou.
"On voit bien qu'augmenter le pourcentage de logement social peut faire évoluer la sociologie d'un électorat, donc fragiliser la réélection du maire" s'il est classé à droite, renchérit Martial Foucault.
Inversement, un maire de gauche qui "oublierait" de parler logement et mixité risquerait selon lui de "perdre des électeurs".
Au-delà des lignes de force partisanes, un clivage pourrait émerger sur les questions budgétaires. "Est-ce que certains élus de droite, influencés par Elon Musk, ne seront pas tentés de dire +Moi aussi, je vais faire le ménage+?", interroge Romain Pasquier, directeur de recherche au CNRS.
Le jeu politique semble par ailleurs plus ouvert aux municipales de 2026 qu'en 2020, lorsque les élections, organisées en plein covid, s'étaient soldées par un record d'abstention et une reconduction massive des sortants.
La proximité des municipales avec l'élection présidentielle de 2027 pourrait aussi renationaliser et politiser les débats, notamment sur la remise en cause d'un modèle de développement centré sur l'attractivité des villes, mantra des élus locaux depuis des décennies.
"Avec la vague écologiste de 2020 dans certaines grandes villes, on a vu poindre des critiques sur ce qui apparaissait jusqu'ici comme un modèle de développement très consensuel, avec un questionnement sur les limites de la croissance et de l'artificialisation dans un contexte de réchauffement climatique", analyse Stéphane Cadiou.