Aux "Coquelicots", système D et solidarité face à l'inflation

Des privations, beaucoup de débrouille et surtout de la solidarité: à la maison-relais Les Coquelicots de Cormeilles-en-Parisis (Val d'Oise), où vivent des ménages aux revenus modestes, résidents et travailleurs sociaux s'organisent face à l'envolée des prix.

Olivia Girardi les appelle ses "visites de courtoisie". Coordinatrice de la maison-relais, cette salariée de l'association ARS95 frappe régulièrement à la porte des 23 logements répartis autour d'une cour pavée. L'ancien corps de bâtisses rénovées abrite aussi un grand jardin, une bibliothèque, un point internet, un espace de jeux pour petits et grands ou encore une tisanerie. De quoi reprendre goût à la vie en société.

Habitent là des couples, des parents isolés ou des célibataires, en tout 38 personnes aux parcours cabossés, faits d'errance et de désocialisation. "On a ici des personnes très abîmées par la vie. Un des habitants a vécu dix ans en forêt", dit Olivia Girardi.

Le porte-à-porte permet de prendre le pouls des locataires, dont les ressources ne dépassent pas 60% des plafonds HLM, condition à remplir pour décrocher un logement, du T1 au T3, dans un cadre tranquille et rassurant.

Aux Coquelicots, les charges sont comprises dans le loyer, une aubaine en ces temps où les prix de l'énergie flambent. Mais pour le reste de la vie quotidienne, l'inflation record frappe les habitants de plein fouet. "Une dame m'a dit qu'elle ne mangeait plus le soir", relate Mme Girardi.

"Le midi, je grignote", confie Bernard, 74 ans, qui préfère ne pas donner son nom. Cet ancien mineur dans le Pas-de-Calais, qui a été aussi vendeur puis magasinier, fait un vrai repas le soir, qu'il prépare avant le retour de sa compagne, encore en activité.

Pour le retraité, arrivé aux Coquelicots en 2013, le loyer de 600 euros pèse lourd sur le budget. "Et encore, j'ai arrêté de fumer, ce qui fait une sacrée économie."

Une fois par semaine, Bernard va faire les courses dans deux enseignes discount, l'une pour l'épicerie et l'autre pour les produits frais. Il fait tout à pied : "Ma voiture, ce sont mes chaussures", plaisante-t-il. En cette période de vaches maigres, il confesse une seule réelle inquiétude : "On n'arrive plus à aider les enfants comme avant".

- Semences de pommes de terre -

"Les résidents sont en grande difficulté", souligne Nathalie Gueuti, directrice du pôle logement/hébergement d'ARS95. "On n'a jamais fait autant d'aides financières que maintenant."

Mais constituer un dossier avec une assistante sociale pour obtenir, par exemple, un accès à une épicerie solidaire prend du temps. D'où, face à l'urgence, un recours massif à ce que Mme Gueuti appelle "l'aide interne".

Agréé pour apporter de l'aide alimentaire, ARS95, qui héberge quelque 2.000 personnes dans le Val d'Oise, a noué des partenariats avec des organismes de collecte d'invendus. C'est ainsi qu'ont été récupérés 40 kg de semences de pommes de terre. Un autre don a permis de planter trois poiriers dans le jardin des Coquelicots.

Plus immédiatement consommables, 20 kg de bananes ont été distribués il y a quelques jours. A Pâques, 400 plaques de chocolat avaient été offertes par une grande enseigne. Autre don récent: des cartons de sacs poubelle.

De son côté, Bernard rapporte toujours de ses courses hebdomadaires un stock de catalogues recensant les promotions en cours, à l'attention de ses voisins.

Comme un pied-de-nez à la morosité ambiante, un petit-déjeuner est organisé chaque jeudi dans l'espace collectif du rez-de-chaussée. Dans la même salle trône une table de billard. Prochainement, des cours d'initiation seront proposés. Dispensés gratuitement par l'un des résidents.