Autolib': à la recherche d'un modèle économique pour les services de mobilité urbaine

Autolib' s'arrête, Vélib' tousse, des vélos ont plié bagage et des trottinettes électriques arrivent: l'écosystème de la mobilité partagée à Paris est en plein bouillonnement mais cherche encore la recette d'un modèle économique efficace.

Comment expliquer la fin d'Autolib' ?

"Autolib, ça marche", assène Nicolas Louvet, PDG du bureau de recherche 6t: "Un service où chaque véhicule est loué quatre fois par jour et qui a 100.000 usagers réguliers sur un périmètre aussi petit que Paris, ça fonctionne". Les petites voitures grises ont bien conquis des usagers, mais le groupe Bolloré évoque un déficit de 293,6 millions d'euros.

"Le problème c'est que le syndicat (des communes partenaires dont Paris, NDLR) n'a pas choisi entre une logique de service public et une logique commerciale", estime le groupe. "On est parti sur une vocation de service public, mais dans ce cas il aurait fallu assumer les pertes". Bolloré dit aussi avoir subi de plein fouet l'arrivée des VTC (voitures de transport avec chauffeur), qui a "écrêté" selon lui la dynamique.

Autonomy, une société spécialisée dans la mobilité urbaine, recense trois éléments qui ont conduit à l'échec économique du service: un manque d'innovation (notamment le système de déverrouillage à carte au lieu d'un smartphone), des problèmes de maintenance de la flotte de véhicules et une difficulté à démocratiser l'usage.

Qu'est-ce que l'échec d'Autolib' révèle du marché ?

"C'est le signe que des modèles très rigides, un peu monolithiques, où on décide comment on va fonctionner un service de mobilité pour les 15 prochaines années, ça ne fonctionne plus", note Laurent Kennel, directeur général pour la France d'Ofo, une société chinoise de vélos partagés sans borne. "C'est un indicateur que les systèmes plus agiles, flexibles et légers, ont de l'avenir."

M. Kennel rend aussi hommage à Autolib', une "révolution qui a inspiré d'autres formats de partage". Avec Autolib' et les Vélib', les comportements ont évolué. "Les usagers des centres urbains deviennent multimodaux, ils passent de plus en plus d'un mode de transport à l'autre", note Nicolas Louvet, de 6t.

Les analystes s'accordent aussi sur un point: la disparition d'Autolib' va laisser un vide synonyme d'opportunités, car les infrastructures existantes (emplacements et bornes de recharge) vont permettre de favoriser l'utilisation des voitures électriques.

Y a-t-il une série noire à Paris ?

"Il ne faut pas tout mélanger", tempère Nicolas Louvet. "Autolib' est un échec économique, alors que Vélib', c'est un problème de maîtrise de la technologie". Les acteurs de la mobilité ne considèrent pas que les dégradations soient en cause dans les déboires du vélopartage. "Les premiers vélos verts (Gobee.bike) étaient de mauvaise qualité", assure Aymeric Weyland, directeur d'Autonomy.

Chez Ofo, "Nous avons eu de l'incivilité au début, mais elle a été divisée par trois ensuite", constate M. Kennel. "On en mesure moins que dans certains villes anglaises, on est dans la moyenne, il n'y a pas de spécificité française".

Quelles sont les clefs d'un service qui marche ?

Paris compte deux services de vélopartage et deux loueurs de scooters, tous sans borne, des trottinettes électriques ("Lime") mises en circulation vendredi, ainsi que des services de VTC et de covoiturage.

"Deux-trois grands acteurs vont émerger", assure Aymeric Weyland, avant d'énumérer les clefs du succès: avoir le contrôle de sa flotte en temps réel, de la position des véhicules à leur état, recueillir les parcours des utilisateurs pour repérer les points de friction, être compétitif au niveau des prix... "Le gagnant sera celui qui aura le système le plus simple".

Quel modèle économique pour la mobilité urbaine ?

"Si on restait à périmètre constant, à Paris, on pourrait espérer la rentabilité cette année, dès septembre", assure Vincent Bustarret, directeur marketing de Cityscoot (2.000 scooters électriques), qui doit bientôt se lancer dans d'autres villes en France et en Europe.

Pourtant, à ce stade et à de rares exceptions près, "aucun système n'est rentable", rappelle Nicolas Louvet, qui craint une "bulle spéculative". Le modèle économique "n'est pas encore trouvé, c'est comme Uber au début, on assiste à des levées de fonds complètement hallucinantes", renchérit Aymeric Weyland.

Selon Autonomy, l'avenir appartient aux entreprises qui sauront se diversifier, avec de la publicité à bord des véhicules par exemple, ou en revendant, de façon anonyme, les données qu'elles collectent sur les parcours des utilisateurs.

juj/tq/mpf

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