Quelques minutes pour convaincre : au salon de recrutement dédié aux professionnels de la petite enfance, les recruteurs ont fait feu de tout bois mardi à Paris pour tenter d'attirer les candidats dans ce secteur qui souffre d'une pénurie de personnels sans précédent.
"Bonjour, bienvenue !" : Alexandra Saulais, responsable RH de Cap Enfant accueille d'un sourire franc Malek, venue au Pavillon Wagram avec quelques CV sous le bras pour "faire un petit tour des offres et des projets".
Ingénieure agronome, la jeune femme de 28 ans vient d'achever sa reconversion et attend les résultats de son CAP petite enfance. Mère d'une petite fille de deux ans, elle confie chercher en priorité un établissement qui serait compatible avec un mode de garde pour son enfant.
"Je vais déménager dans le +91+ (Essonne), est-ce vous recrutez dans ce département? Est-ce que par hasard il serait possible d'avoir une place dans la crèche pour ma fille"?, demande-t-elle. "On évite de mettre un parent avec son enfant dans la même crèche mais s'il y a de la place dans une de nos crèches à proximité et que tous les critères sont remplis, cela peut être envisagé", répond Alexandra Saulais, qui l'invite à laisser son CV.
La responsable RH du groupe privé, qui compte huit crèches en Ile-de-France et 130 salariés, glisse un mot au passage sur le projet-phare de la structure : une "bulle musicale", une sorte d'igloo interactif qui "plaît aux enfants et permet également d'attirer des professionnels curieux de cette pédagogie", assure-t-elle.
Projets éducatifs spécifiques, proximité géographique, promesse d'évolutions de carrière... stand après stand, chaque acteur du secteur (privé, public, associatif) déroule ses arguments devant des professionnels novices comme chevronnés.
Directrice adjointe petite enfance à Courbevoie, Cécile Battestini insiste ainsi sur l'investissement fait par sa commune dans les "congés formation" et met en avant le projet "écolocrèche". Au total, trente postes sont à pourvoir dans cette ville des Hauts-de-Seine.
"C'est dur parce qu'on a peu de candidats et qu'il y a une grosse concurrence : on perd parfois des candidatures parce qu'on ne s'est pas forcément alignés niveau rémunération mais on offre d'autres choses comme des évolutions de carrière".
- "Qualité de vie" -
Face à la concurrence des "géants" comme "la ville de Paris qui paye plus et qui donne plus de congés" et du privé "en mesure d'offrir immédiatement un CDI, la ville de Meaux (Seine-et-Marne) vante, elle, "la proximité et la conciliation vie privée et vie professionnelle".
"Certains professionnels viennent par la suite nous trouver parce qu'ils sont à la recherche d'une meilleure qualité de vie dans leur travail", assure Mireille Duchêne, directrice petite enfance de la ville. "Certains sont également venus nous voir parce qu'on avait des projets sur le handicap".
A l'étage du pavillon Wagram, où ont été installés les instituts de formation, le constat sur la perte d'attractivité du secteur est le même, avec des signes désormais perceptibles en amont.
"On a seulement 50% des entrants qui sont diplômés à la fin de la formation", relève Julien Leloup, directeur de la formation professionnelle à l'Institut régional du travail social (IRTS), qui forme 240 éducateurs de jeunes enfants chaque année.
En cause, entre autres selon lui, les "conditions dégradées sur le terrain" qui peuvent "potentiellement démotiver l'étudiant et l'inciter à se réorienter".
Un secteur tendu et des enjeux qui pour l'heure n'ont pas découragé Noémie, 18 ans. Venue avec sa mère, la jeune fille "rêve depuis toute petite, d'accompagner l'enfant dans ses premières phases de développement" et entend bien devenir auxiliaire de puériculture.
La Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf) estime à 10.000 le nombre de professionnels formés manquant dans les crèches. Pour tenter d'attirer les candidats, l'exécutif a annoncé une enveloppe de 200 millions d'euros pour revaloriser les salaires, mais ce geste est jugé insuffisant par les acteurs du secteur.