Au salon du nucléaire à Paris, la relance de l'atome devient une "réalité", clame le secteur

Le retour annoncé du nucléaire est "une réalité": au WNE, plus grand salon au monde consacré au nucléaire civil, les acteurs célèbrent le retour en grâce de cette énergie mais le chemin reste pavé de défis.

Le World Nuclear Exhibition, plus grand salon mondial du nucléaire civil en nombre d'exposants et de visteurs se tient jusqu'à jeudi à Villepinte, au nord de la capitale française.

Il y a 4 ans, le directeur exécutif de l'Agence internationale de l'Energie, Fatih Birol, évoquait ici-même "le retour du nucléaire". C'est "une réalité maintenant", a-t-il lancé en inaugurant le salon.

"Cette édition du WNE marque véritablement la renaissance du nucléaire et une augmentation de l'acceptabilité dans le monde", affirme à l'AFP Sylvie Bermann, la présidente du WNE.

Les organisateurs anticipent une édition "historique" avec 25.000 visiteurs attendus et 1.000 exposants couvrant l'ensemble de la filière nucléaire civile, soit environ 30% de plus que lors de la précédente édition en 2023.

Environ 80 pays sont représentés dans ce salon du nucléaire, un secteur tombé en disgrâce après l'accident de la centrale japonaise de Fukushima en 2011, mais qui connaît depuis quelques années un regain d'intérêt sur la scène internationale. A la COP28 de Dubaï en 2023, une vingtaine de pays s'étaient engagés à un triplement de la capacité nucléaire installée d'ici à 2050.

Pour l'AIE, les chiffres sont parlants: en 2025, "le nucléaire n'a jamais produit autant d'électricité dans le monde", a martelé Fatih Birol, en indiquant aussi que "70 GW (de capacités) de sites nucléaires sont en construction, le chiffre le plus élevé enregistré au cours des trois dernières décennies". Et de poursuivre: 40 pays prévoient de "créer leur propre industrie nucléaire".

Les industriels et promoteurs de la filière nucléaire mettent en avant l'avantage climatique de cette énergie, bas-carbone comme l'éolien et le solaire, et sa contribution à la sécurité énergétique grâce à sa production abondante et stable, qui attire les convoitises des acteurs du numérique pour faire tourner les centres de données, devenus encore plus voraces en électricité avec le boom de l'intelligence artificielle.

"La demande d'électricité explose, même en Europe", dopée par cette soif du numérique et les véhicules électriques, a assuré Fatih Birol, mais "le principal moteur de la croissance de la demande (...) est l'augmentation du nombre de climatiseurs" dans le monde.

- Le marché pousse -

"Pour la première fois dans l'histoire commerciale de l'exploitation nucléaire, il y a une demande pour le nucléaire, le marché pousse", il ne s'agit "plus de décisions d'Etats", a souligné Rafael Grossi, directeur général de l'AIEA.

Ce retour n'est "pas un phénomène européen", a-t-il assuré en évoquant les ambitions de pays comme l'Inde, l'Afrique du Sud, ou l'Egypte ; la Chine, championne des chantiers, "où 26 réacteurs sont en construction" et l'offensive des États-Unis, où le président Trump "a signé un certain nombre de décrets exécutifs qui poussent le secteur de manière très déterminée".

Pour autant, retrouver un âge d'or du nucléaire comme dans les années 70 et 80 soulève d'immenses défis, a reconnu Fatih Birol, à commencer par le financement des projets, longs et coûteux. Une mise en garde résonne: livrer les chantiers "dans les délais et dans les budgets" car "chaque retard coûte de l'argent", a rappelé le PDG d'EDF Bernard Fontana.

"En moyenne, dans la plupart des pays du monde", les projets d'énergie nucléaire connaissent "un retard de huit ans et un coût financier environ 2,5 fois supérieur à l'estimation initiale", a illustré Fatih Birol.

D'autres sujets mobilisent les acteurs: développer les chaînes d'approvisionnement, la formation des personnels, l'attractivité des métiers, mais aussi diversifier les sources de production et d'enrichissement de l'uranium qui "sont concentrés dans un très petit nombre de pays" selon Fatih Birol.

Le salon accueille 24 pavillons nationaux contre 18 précédemment avec notamment l'Inde et l'Ukraine comme nouveaux venus et un "pavillon nordique", à côté des deux plus grands pavillons du salon, ceux de la France et de la Chine. Comme en 2023, le poids lourd du secteur, la Russie, plus grand pays exportateur de centrales, est absent, en raison de la guerre en Ukraine.

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