Alarmes anti-intrusion, bloqueurs de routes ou caméras intelligentes: "Chaque année on en rajoute", témoignent des élus locaux en prospection au salon des maires où, cinq mois après les émeutes urbaines, la sécurité est devenue une priorité.
Les élus assurent qu'ils n'ont pas peur. En tout cas pas à Saint-Gély-du-Fesc (Hérault), assure Laure Capelli, deuxième adjointe de cette commune de 10.000 habitants au nord de Montpellier. "On n'a pas ce sentiment d'insécurité qu'on peut voir ailleurs", tout juste "quelques incivilités", glisse l'élue, qui visite pourtant un stand spécialisé dans les barrières, bornes et autres herses anti véhicule-bélier.
Une "obligation de fait" pour cette édile chargée notamment des festivités, qui se doit "de mettre toute la sécurité à disposition pour espérer qu'il ne se passe rien". Quitte donc à "bloquer les rues pour que les piétons soient à l'abri", et à constater que "les budgets vigiles ont doublé voire triplé" en quelques années.
Ce souci croissant de dissuasion empêche tout retour en arrière : "A chaque fois qu'on renforce le dispositif, l'année d'après on maintient ce qu'on a mis et on en rajoute toujours".
Les maires n'ont de toute façon pas d'autre choix, coincés entre leur "responsabilité pénale" et les exigences des préfectures, observe Michaël Boucaya, directeur de la société ISR Innovation qui vend ces bloqueurs de routes.
L'entreprise, basée à Nice, a vu sa clientèle basculer du secteur militaire à celui des collectivités depuis l'attentat au camion en 2016 sur la promenade des Anglais qui avait fait 86 morts. Mais cette "explosion des demandes" est aussi liée "plus généralement à du vandalisme, des débordements de personnes alcoolisées, ou même des installations de gens du voyage".
En parallèle de ce salon, l'Association des maires de France (AMF) tient son congrès à Paris jusqu'à jeudi sur le thème "Communes attaquées, République menacée". Chiffres à l'appui, puisque les agressions - essentiellement verbales - contre les élus ont bondi de 30% l'an dernier et devraient à nouveau augmenter de 15% cette année, selon le ministère de l'Intérieur.
Un phénomène qui fait redouter une baisse des vocations alors que les violences consécutives à la mort du jeune Nahel le 27 juin ont montré la vulnérabilité des élus et des collectivités.
- "Machins de sécurité" -
A Saint-Geours-de-Maremne (Landes), 3.000 habitants, le maire Mathieu Diriberry dit ne "pas ressentir d'insécurité".
La commune s'apprête pourtant à contracter avec Voisins Vigilants et Solidaires, un site web communautaire mettant en relation des habitants d'un même quartier. Cela permet "d'avoir un oeil observateur dans les quartiers et des référents s'il arrivait quelque chose", explique l'édile.
Le groupe, qui compte déjà "un peu plus de mille mairies" adhérentes, vante son "effet réel" sur la "baisse du nombre de cambriolages", mais aussi "du sentiment d'insécurité", selon son directeur adjoint Frédéric De Lanouvelle. "L'intérêt des maires est grandissant pour ce dispositif", qui repose principalement sur les signalements de leurs administrés, souligne-t-il.
En parallèle, M. Diriberry prévoit de "se doter de vidéoprotection", en réponse aux "dégradations" que peuvent parfois commettre "des groupes de jeunes qui s'ennuient".
Des caméras qui restent une technologie "porteuse" car en grande partie "subventionnée", quand les budgets des collectivités sont "limités" par les "coûts de l'énergie", relève Théo Fauconnier, patron des sociétés Serviacom et ProAccess.
Sur son stand, un écran diffuse une image traitée en temps réel par une intelligence artificielle, capable par exemple d'analyser les comportements. "Ca se développe beaucoup avec la vidéo", dit-il, d'autant plus que "là-dessus on n'a pas de blocage comme sur la reconnaissance faciale".
Une surenchère qui n'est pas du goût de tous. "Je ne crois pas à tous ces machins de sécurité", s'agace Claude Barbier, maire adjoint de Viry (Haute-Savoie), ville de 6.000 habitants avec "son quartier un peu chaud" en banlieue de Genève.
"Vous pouvez mettre toutes les alarmes anti-intrusion, celui qui veut rentrer dans une école il rentrera", estime-t-il. "La meilleure sécurité c'est le lien social, la capacité à créer de la cohésion avec nos voisins même si on les connaît pas ou peu".