Longtemps mal à l'aise avec les questions écologiques, le Rassemblement national de Marine Le Pen peine toujours à embrasser le sujet et cherche à dépasser des divergences internes pour trouver sa "cohérence" d'ici la présidentielle de 2027.
La semaine dernière, lors d'une soirée à Paris organisée par l'hebdomadaire Valeurs actuelles, Jordan Bardella a voulu alerter sur "la survie de notre planète" et "le défi environnemental", appelant à sortir d'"une forme de déni".
Le président du RN a une nouvelle fois vanté le "localisme" - soit la promotion des circuits courts et, plus généralement, un protectionnisme qui récuse les accords de libre-échange -, une matrice, voire un mantra, autour desquels s'articule tout le discours du parti à la flamme depuis une dizaine d'années.
"Mais ça n'est pas parce que quelque chose est local que c'est vertueux: la culture du maïs en France est une catastrophe environnementale", s'est fait sèchement tancé le président du RN par le journaliste Hugo Clément lors du débat, avant que M. Bardella ne soit mis à la question quant à ses positions sur les pesticides, l'élevage intensif ou "les coupes rases dans les forêts".
Réponse embarrassée du patron du RN: "Je suis d'accord en partie avec vous..." Avant une pirouette: "Il faudrait peut-être moins de Sandrine Rousseau et un peu plus d'Hugo Clément", en référence à la députée EELV coupable selon lui de vouloir "émasculer les barbecues".
Car les propositions du parti d'extrême droite demeurent floues - "indigentes", de l'avis même de certains responsables RN.
Longtemps, le parti s'est borné à s'inscrire en contre: les éoliennes, les "zone à faible émission" dans les centres-villes ou "l'agri-bashing".
"Pour 2027, le climat, l'eau, ce sont des sujets où l'on doit continuer à bosser", reconnaît le député frontiste Thomas Ménagé. "Il y a une telle attente - notamment chez les jeunes - on ne doit pas rater le coche".
- Climato-sceptiques -
Reste que le parti demeure traversé par des controverses. Si Jordan Bardella et Marine Le Pen, à l'unisson de leur jeune garde, ne nient pas la responsabilité de l'activité humaine dans le réchauffement climatique, le RN compte toujours des climato-sceptiques, peu convaincus par la nécessité d'un changement de comportement.
"Il y a chez nous une diversité", euphémise un député, alors qu'à l'automne, les lepénistes s'étaient déchirés sur le bien-être animal et la corrida.
"Il faut qu'on développe une doctrine, parce que l'écologie, c'est pas notre zone de confort", admet un cadre du parti. "Il va falloir monter des personnes sur ces questions", alors que les "messieurs environnement" du RN, Hervé Juvin puis André Kotarac, n'ont pas pleinement convaincu.
Le sujet écologique semble par ailleurs s'échopper sur le "ni droite, ni gauche" cher aux stratèges frontistes qui honnissent l'idée de "taxation" ou de "punition", prônant le "souverainisme alimentaire" sans "mettre une balle dans le pied aux agriculteurs".
Quitte à ce que les propositions du RN ressemblent parfois à celles... de la macronie, que ce soit sur la promotion de l'énergie nucléaire ou les mesures du "plan eau" esquissées au début du mois par le chef de l'Etat.
- " Écoloptimiste" -
"La gauche arrive à imprimer sa marque par du +trash+, du polémique. Ce qu'on a fait, nous, avant, mais qu'on ne fait plus, parce qu'on est dans une conquête du pouvoir", décrypte un élu RN, qui "assume de ne pas être dans la singularité sur tous les sujets", comme l'écologie. Au risque de fâcher sa base? "Les Français attendront du consensus après Emmanuel Macron", balaie-t-il.
En vantant "la recherche" et "le progrès technologique" pour répondre aux enjeux environnementaux, le Rassemblement national fait par ailleurs montre d'une confiance en l'avenir à rebours d'un discours décliniste sur les sujets d'immigration, de sécurité ou d'économie.
"Le catastrophisme est la maladie infantile de +l'écologisme+", justifie Jordan Bardella, quand Sébastien Chenu rivalise de néologismes en se définissant comme un "écoloptimiste".
Mais le porte-parole du parti reconnaît que, à l'instar de la santé ou l'éducation, l'écologie reste "un sujet à défricher" dans la perspective de 2027. Un autre député résume: "Ça ne sera pas le sujet majeur pour gagner, mais si on ne le traite pas, on perdra".