Au PS, la "social-écologie" bousculée par le projet EuropaCity

A Gonesse, en région parisienne, le PS fait le grand écart: le parti affiche des ambitions écologistes. Mais le maire socialiste de la ville défend EuropaCity, projet immobilier combattu par Europe-Écologie-les-Verts (EELV) et l'ex-candidat socialiste à la présidentielle, Benoît Hamon.

EuropaCity, un mégacomplexe à 3,1 milliards d'euros, tant espace commercial (230.000 m³) que culturel (50.000 m³) et parc de loisirs (150.000 m³), doit voir le jour d'ici 2024 sur le site du Triangle de Gonesse. La zone doit être crée sur d'anciennes terres agricoles du Val d'Oise coincées entre les aéroports de Roissy, du Bourget, l'autoroute A1 et la D317.

"Ici, vous plantez n'importe quoi, ça pousse", affirme Jean-Yves Souben devant les plants de tomates et de courges cultivé par le Collectif pour le Triangle de Gonesse (CPTG, opposé à EuropaCity).

A son grand regret, près de 80 hectares de ces terres céréalières du nord-est parisien, à quinze kilomètres de la capitale, doivent être bétonnés. Les écologistes ne décolèrent pas, les commerçants et élus de la Seine-Saint-Denis voisine craignent des destructions d'emplois.

De son côté, le maire socialiste de Gonesse Jean-Pierre Blazy se défend et dénonce "l'intégrisme écologique" de ses opposants.

Pour le PS, l'affaire est embarrassante. Car le parti a amorcé au milieu des années 2000 un virage qui tranche avec EuropaCity. En 2015, la "social-écologie" - association de la production et de l'écologie - défendue depuis 2003 par Laurent Fabius, devient le slogan du parti. Une feuille verte apparaît sur le logo. Et lors de la dernière présidentielle, le candidat Benoît Hamon s'allie au Vert Yannick Jadot.

- Le flou écolo du PS -

Depuis, le PS peine à formuler une doctrine écologique claire. "Si vraiment (EuropaCity) représente un problème majeur pour l'équilibre environnemental en Ile-de-France, alors il faut faire différemment", prévient la responsable socialiste Isabelle This Saint-Jean.

"Nous, socialistes, devons prendre conscience que notre modèle est dépassé", abonde Jean-François Debat, chargé de la Transition écologique. "Mais je ne jette pas la pierre aux élus locaux. Il faut légiférer, sinon les élus subiront une forte pression et un chantage permanent de la part des entreprises."

Les maires se sont transformés en "développeurs" soumis au dogme de "la sacro-sainte attractivité" du territoire, décrypte Rémi Lefebvre, professeur de science politique à l'université de Lille et spécialiste du PS. "Le Parti socialiste n'a pas de prise sur les élus au niveau local, qui agissent comme des notables autonomes. Ils pensent qu'il est plus important, électoralement, de mener des projets monumentaux."

Le conseil municipal soutient "à l'unanimité (...) l'urbanisation du triangle de Gonesse", qui prévoit la future gare de la ligne 17 du métro et des espaces commerciaux, assure la ville de Gonesse.

Même Mohamed Ouerfelli, pourtant élu en 2014 sur une liste soutenue par EELV "ne fait plus de déclarations contre le projet", fait-on valoir.

M. Ouerfelli, qui n'a pas souhaité s'exprimer auprès de l'AFP, a quitté EELV en septembre 2015, et ses prises de position "n'ont aucune incidence sur la position d'EELV, qui est entièrement opposé au projet au régional comme au national", clarifie Julien Bayou, porte-parole du parti écologiste.

L'élu ex-EELV n'est qu'un "alibi" pour le maire, dénonce Bernard Loup, président du collectif d'opposants CPTG.

- Clivages transcendés -

Aux échelons administratifs supérieurs, dans le Val d'Oise, le projet transcende les clivages politiques. En mai, le vice-président (LR) du conseil départemental, Philippe Sueur, la députée (LREM), Zivka Park ainsi que les sénateurs Arnaud Bazin (LR) et Rachid Temal (PS) ont affiché leur soutien au maire de Gonesse.

"Est-ce que Disney, c'est mon modèle ? Non, mais aujourd'hui, chacun se félicite en Seine-et-Marne d'avoir accueilli ce projet. Moi, je suis pour cet investissement de 3 milliards permettant de développer le Val d'Oise, tout en gardant une préoccupation écologiste", défend même Rachid Temal.

Jean-Pierre Blazy plaide lui pour une "approche équilibrée" de l'écologie, à laquelle beaucoup ne croient plus. "La social-écologie, c'est de la publicité mensongère", attaque Delphine Batho, ex-ministre de l'Ecologie, qui a quitté le PS en mai.