Feu rouge aux exportations de CO2: l'Assemblée a rejeté jeudi un texte ouvrant la porte à l'envoi à l'étranger de millions de tonnes, destinées à être stockées dans des fonds marins, malgré la défense par le gouvernement d'un élément "essentiel pour atteindre nos objectifs climatiques".
Au coeur des débats : le devenir du CO2 capté sur un site industriel puis comprimé et liquéfié, afin des les enfouir plutôt que de les voir rejetées dans l'atmosphère.
Le projet de loi, adopté au Sénat, entend modifier le Protocole de Londres, un texte international sur la prévention de la pollution qui prévoit une interdiction de principe de toute exportation de déchets en vue de leur élimination en mer, et donc de leur enfouissement.
Il a déjà été amendé, notamment en 2009 par une résolution autorisant théoriquement le transfert transfrontalier de CO2. Un texte de 2019 avait ouvert la voie à une application temporaire par des Etats, dont la France, et le projet de loi soumis à l'Assemblée jeudi entendait ratifier l'autorisation en bonne et due forme.
Selon le rapport du député Xavier Lacombe (Horizons), le sujet revient sur la table en partie à cause de la hausse progressive du coût des quotas d'émission de carbone, qui rend la technique plus attractive pour les industriels.
Cette "ratification est essentielle pour atteindre nos objectifs climatiques fixés notamment lors de la COP21", a insisté de son côté le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot.
"A partir de 2030 nous pourrons capter entre 4 et 8 millions de tonnes de CO2 par an", a-t-il avancé, citant des sites au Havre, à Dunkerque, à Saint-Nazaire et à Fos-sur-Mer. Mais "nos capacités nationale effectives de stockage géologique seront largement insuffisantes", a-t-il prévenu.
En commission le président de séance Alain David (PS) avait noté que l'adoption du texte "permettrait au ministre chargé de l'industrie de signer un partenariat avec la Norvège (...) lors d'un prochain déplacement".
"L'enfouissement de CO2 n'est pas une réponse aux urgences écologiques. C'est une promesse mensongère, taillée sur mesure pour les lobbys industriels, un alibi technologique pour ne surtout rien changer au modèle productiviste", a vertement critiqué l'écologiste Sabrina Sebaihi.
"Cette technique n'est pas neutre. (C'est) un contournement qui ne résout pas le problème, il le déplace et l'enfouit", a estimé Nicolas Dragon (RN).
"La quasi-intégralité des scénarios du Giec reposent pour partie sur de la capture de carbone", qui "restera une exception", a tenté de convaincre M. Barrot.
En vain, le texte a été rejeté par 55 voix contre 49. Les Insoumis et les écologistes ont apporté le plus de voix contre, avec quelques députés PCF et PS. Le RN s'est abstenu.