Après les manifestations, le Lyon-Turin avance à petits pas

Après la mobilisation du week-end dernier contre le Lyon-Turin marquée par des heurts en Maurienne (Savoie), la Commission intergouvernementale pour la ligne à grande vitesse a repris ses travaux, enregistrant des progrès sur le financement des voies d'accès côté français.

"On a beaucoup reproché à la France de ne pas avancer" mais le ministre délégué aux Transports "Clément Beaune a apporté des engagements financiers sur la table", avait salué jeudi Josiane Beaud, cheffe de la délégation française après une réunion de la Commission intergouvernementale à Lyon.

Début juin, le ministre a, en effet, confirmé qu'il était prêt à débloquer 3 milliards d'euros de crédits pour les voies d'accès côté français, estimées entre 10 et 12 milliards d'euros et qui devraient être financées à 50% par l'Union européenne.

Le reste devra être financé par les collectivités locales mais le président LR de la région Auvergne-Rhône-Alpes Laurent Wauquiez a réservé sa réponse, appelant en priorité à "enclencher des études sérieuses", qu'il s'engage à financer au tiers, pour lever le flou sur les budgets et le tracé définitif.

Selon Jacques Gounon, président du Comité pour la Transalpine, organe de lobbying qui tenait vendredi son assemblée générale, il existe un réel besoin "de chiffres fiables qui permettront de parler de choses concrètes", même si la réalisation d'un avant-projet détaillé - fixant entre autres le calendrier des travaux - ne verra pas le jour avant 2027-2028 selon la Commission.

Il faudra donc encore patienter pour les promoteurs du projet vieux de trente ans, dont le premier coup de pelle a été donné en 2002 et qui vise à révolutionner la manière de transporter marchandises et passagers à travers les Alpes.

Le chantier se découpe en trois parties: les accès français (150 km), les accès italiens (60 km) et le tunnel de base du Mont-Cenis (57,5 km), qui deviendra le plus long tunnel ferroviaire au monde. Le temps de trajet entre les deux villes doit à terme passer à 1 heure 47 contre 3 heures 47 actuellement.

La dernière évaluation du coût total du chantier a été effectuée en 2012 par la Cour des comptes, qui le fixait alors à 26 milliards d'euros.

- Un projet "écologique"? -

Les partisans du projet ont tremblé en avril lorsque le Conseil d'orientation des infrastructures (COI) a préconisé de repousser le volet français au-delà de 2045 pour privilégier la ligne historique Dijon-Modane.

Mais les récentes déclarations de Clément Beaune semblent remettre le projet sur les bons rails, notamment au regard des engagements de la France vis-à-vis de son voisin italien, plus avancé dans les travaux, et de la déclaration d'utilité publique qui arrive à échéance en 2028.

De leur côté, associations et élus écologistes protestent contre ce chantier impliquant le forage de 260 km de galeries à travers les massifs alpins, vu comme "pharaonique" et "néfaste" pour l'environnement, la biodiversité et les ressources en eau.

De nombreux mouvements tels que les Soulèvements de la Terre - dissous mercredi en Conseil des ministres - ou les No-Tav italiens ont mobilisé samedi en Maurienne des milliers de manifestants qui ont brièvement occupé l'autoroute A43 et affronté les forces de l'ordre.

Cette semaine, l'ancien candidat de La France insoumise à la présidentielle, Jean-Luc Mélenchon, a même qualifié le chantier de "monstrueux" et de "grand dégât écologique".

De nombreux élus écologistes, comme les maires de Lyon et Grenoble, ont proposé de moderniser la ligne historique qui serpente dans les Alpes, selon eux sous-exploitée et suffisante pour absorber le trafic de fret actuel.

Insuffisant pour Jacques Gounon, par ailleurs président de Getlink, la société du tunnel sous la Manche: "Cette ligne ne répondra jamais aux besoins des transporteurs et du report modal" des camions vers le rail. "On a besoin d'une solution rapide et simple", a-t-il insisté.

Cédric Vial, sénateur LR de Savoie, a dénoncé vendredi le fait que les opposants ont "choisi la voie du mensonge", notamment lorsqu'ils affirment que les travaux ont déjà tari plusieurs sources et captages d'eau.

Manuela Rocca, directrice développement durable et sécurité de Tunnel Euralpin Lyon-Turin (Telt), le promoteur public et maître d'ouvrage franco-italien, a rappelé "l'objectif zéro perte de biodiversité" du chantier et assuré que pour l'heure "aucune source d'eau potable n'a été impactée".

"Un projet qui met des camions sur des trains, c'est très écologique", a appuyé Mme Beaud.

La Transalpine a par ailleurs dévoilé vendredi un sondage réalisé par Ifop auprès de quelque 800 personnes résidant dans huit départements proches de la ligne côté français, et dans lequel 81% des personnes interrogées se disent favorables au chantier, et 8% contre.