Après l'Assemblée, le Sénat s'est plongé vendredi dans les mesures d'urgence économiques et sociales du gouvernement, dernière foulée d'un sprint hors normes de l'exécutif et du Parlement pour répondre à la crise des "gilets jaunes".
Au coup d'envoi des débats en milieu d'après-midi au Palais du Luxembourg, la ministre du Travail Muriel Pénicaud a salué "l'esprit de responsabilité" des sénateurs, à majorité de droite, qui s'apprêtaient à adopter les mesures d'urgence, ainsi que leur "volonté de participer au rétablissement rapide d'un climat d'apaisement" dans le pays.
Le projet de loi examiné comprend la défiscalisation des heures supplémentaires, une exonération élargie de hausse de CSG pour des retraités et la possibilité pour les entreprises de verser une "prime exceptionnelle" de 1.000 euros, exonérée de toutes cotisations sociales et d'impôt sur le revenu, pour leurs salariés rémunérés jusqu'à 3.600 euros.
Il est la traduction des annonces sociales tous azimuts qu'Emmanuel Macron avait formulées le 10 décembre pour répondre au mouvement populaire. Le projet de loi déposé mercredi a bouleversé le programme des parlementaires qui ont envisagé un temps de siéger entre Noël et Nouvel an, pour la première fois depuis 1979.
"Nous n'en serions sans doute pas là si vous aviez écouté le Sénat sur la CSG, sur les taxes sur les carburants", a lancé le rapporteur Jean-Marie Vanlerenberghe (UC), devant un Sénat peu garni.
Une poignée d'amendements sont au menu, qui n'ont quasi aucune chance de passer, son président Gérard Larcher (LR) comme les principaux groupes politiques ayant souhaité un vote "conforme" à celui du Palais Bourbon.
Le projet de loi pourra ainsi être rapidement promulgué, comme souhaité par l'exécutif. Il n'y aura a priori pas de saisine préalable du Conseil constitutionnel.
Les Républicains, les sénateurs LREM et de l'Union centriste vont voter pour, les socialistes s'abstenir, tandis que les communistes, qui ont défendu en vain une motion préalable, vont se prononcer contre.
"Un vent se lève dans notre pays, et ne croyez pas qu'il va perdre de sa force dans les jours à venir", a pronostiqué Eliane Assassi, présidente du groupe communiste, critique d'un "président de la République enfermé dans une posture jupitérienne".
- "Grain à moudre" -
Dans les mesures, "il y a du grain à moudre" mais "c'est insuffisant et surtout le financement est déséquilibré", en portant "sur la solidarité nationale" mais pas suffisamment sur les plus aisés, a estimé le chef de file des sénateurs PS Patrick Kanner.
Dans la nuit de jeudi à vendredi, au terme de treize heures de vifs débats, c'est l'Assemblée nationale qui avait adopté le texte de quatre articles par 153 voix, avec le soutien de la majorité LREM-MoDem et de l'UDI-Agir, contre 9 et 58 abstentions.
Les socialistes s'étaient abstenus, comme la quasi-totalité des Républicains. Le RN (ex-FN) et ses apparentés avaient voté pour ou privilégié l'abstention. Dénonçant un "trompe-l'oeil", PCF et LFI avaient voté contre.
Les oppositions étaient remontées contre un "choc de dépenses non financées" (Eric Woerth, LR), la "règle des trois E, embrouille, entourloupe et emberlificotage" (Pierre Dharréville, PCF), promettant "Noël aux ronds-points" (Jean-Luc Mélenchon, LFI).
Les mesures en réponse aux "gilets jaunes" ont rebattu les cartes budgétaires et contraint à un creusement du déficit à 3,2% du PIB.
Juste avant ce texte, le Parlement avait adopté définitivement jeudi le deuxième budget du quinquennat, comprenant des ajustements de dernière minute mais aussi des baisses d'impôts et de la dépense publique, au terme d'un parcours tumultueux de quatre mois. Les députés de gauche ont saisi le Conseil constitutionnel.
Mais vendredi matin, les mauvaises nouvelles ont déferlé pour le gouvernement: croissance finalement moins forte, dette publique approchant les 100% du PIB (à 99,3%) au troisième trimestre, consommation qui fléchit et climat des affaires dégradé par les "gilets jaunes".
Alors que sur le terrain, les démantèlements de campements se poursuivent, le Premier ministre effectuait vendredi un déplacement en Haute-Vienne.
Il a fait face aux questions, aux doutes, voire à la colère sur les mesures promises par l'exécutif, en particulier sur les 100 euros pour les revenus autour du Smic - via le levier de la prime d'activité.
L'exécutif se prépare à des nouvelles initiatives des "gilets jaunes", qu'il espère limitées samedi, jour de départ en vacances.
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