La loi Duplomb, amputée de la réintroduction de l'acétamipride, n'a pas encore été promulguée que ses partisans comme ses détracteurs envisagent déjà d'aller plus loin, par le dépôt de nouveaux textes, le maintien de la mobilisation et, peut-être, un dialogue.
- Nouveau texte sur l'acétamipride -
Le Conseil constitutionnel a estimé jeudi que la réintroduction de l'acétamipride, un pesticide néonicotinoïde, était insuffisamment encadrée par la loi Duplomb, relevant qu'elle n'était pas limitée dans le temps, ni à une filière, et concernait aussi la pulvérisation, aux risques élevés de dispersion de substances nocives.
La puissante alliance syndicale FNSEA/Jeunes Agriculteurs a immédiatement demandé que l'article ainsi censuré soit "retravaillé pour que les engagements politiques de l'hiver 2024 soient enfin tenus et que des filières entières, comme la betterave sucrière, la noisette ou les pommes et les poires, ne soient pas purement et simplement abandonnées et vouées à disparaître".
Le sénateur LR Laurent Duplomb, porteur de la loi et issu de la FNSEA, n'a pas exclu vendredi un nouveau texte, estimant que le Conseil constitutionnel avait donné "les éléments qui pourraient permettre, avec un nouveau texte, de trouver des solutions pour pouvoir peut-être réintroduire" l'acétamipride.
Les ONG de défense de l'environnement, de la santé ainsi que la Confédération paysanne, troisième syndicat agricole, se sont insurgées contre cette hypothèse contraire à "la demande citoyenne".
"La FNSEA bénéficie aujourd'hui d'un alignement des planètes extraordinaire: des ministres minoritaires dans le gouvernement, comme la ministre de l'agriculture, mais qui décident de tout parce que le camp macroniste n'a pas la majorité", a dénoncé François Veillerette de l'ONG Générations futures lors d'une conférence commune vendredi.
- Solutions alternatives, harmonisation européenne -
La ministre de l'Agriculture Annie Genevard (LR) a missionné l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) pour identifier les filières "en situation d'impasse", citant notamment la noisette.
"Elles trouveront le gouvernement à leurs côtés pour ne pas les laisser sans solution", a ajouté la ministre, qui était favorable au retour encadré de l'acétamipride.
Pour la betterave, filière étendard de la FNSEA pour réclamer ce néonicotinoïde, des solutions existent et sont déjà recommandées par l'Inrae, affirme Marc-André Selosse, biologiste et professeur au Museum d'histoire naturelle: des pesticides autorisés, des solutions de biocontrôle, la rotation des cultures et les plantes "compagnes" qui repoussent les pucerons...
"Ma position reste inchangée: accélérer les transitions vers des alternatives, sans exposer nos filières à une concurrence inéquitable", a affirmé la ministre, ajoutant qu'elle "poursuivra le travail auprès de la Commission européenne pour avancer vers une harmonisation des règles phytopharmaceutiques en Europe", l'acétamipride étant autorisé dans l'Union européenne jusqu'en 2033.
- Nouveau texte pour l'élevage -
Le Conseil constitutionnel a validé l'article de la loi Duplomb facilitant l'agrandissement et la construction de bâtiments d'élevage en allégeant les procédures de consultation du public et en relevant les seuils (nombre d'animaux) à partir desquels les éleveurs doivent obtenir une autorisation environnementale.
Ces seuils devront faire l'objet d'un décret qui ne s'appliquerait qu'à partir de fin 2026 en raison d'un alignement avec une directive européenne.
Pour aller plus vite, le gouvernement a présenté fin juin aux filières un plan pour sortir l'élevage du régime des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) et créer un "nouveau régime de police environnementale" pour l'élevage... qui nécessiterait une nouvelle loi.
"C'est un tapis rouge déroulé de façon totalement assumée pour les élevages intensifs", a déclaré vendredi Noémie Calais, éleveuse de porcs lors de la conférence commune: les normes qui "nous empêchent d'exister (...) ne sont pas les normes environnementales mais celles imposées par l'industrie qui standardisent les productions".
- Débat -
FNSEA et JA ont reconnu jeudi que la pétition contre la loi Duplomb, qui a réuni plus de deux millions de signatures traduisait une "inquiétude des Français sur leur alimentation, leur santé et l'environnement", soulignant la nécessité "d'ouvrir un dialogue franc et respectueux", sans appeler à des manifestations d'agriculteurs.
Pour Paula Forteza, coprésidente de l'association Démocratie Ouverte, le rendez-vous est déjà pris et il revient à la conférence des présidents de l'Assemblée nationale d'organiser un débat permis par le succès de la pétition.
"A pétition inédite, débat inédit (...) On pourrait imaginer que des représentants de la société civile et des experts soient invités pour témoigner".
Le groupe Ecologiste à l'Assemblée a déjà annoncé son intention de déposer une proposition de loi pour abroger la loi Duplomb, qui permettrait aussi un débat.