Alimentation, polluants, sédentarité: une vaste enquête va suivre l'état de santé de la population française

Lancée cette année, une enquête d'ampleur inédite doit fournir une "photographie précise de la santé de la population" française, ses habitudes alimentaires, son activité physique ou encore son exposition aux pesticides, aux bisphénols ou aux phtalates, dont les premiers résultats sont attendus début 2028.

Co-pilotée par Santé publique France (SpF) et l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement (Anses), l'enquête Albane va ainsi documenter l'exposition des Français à "une quinzaine de familles de substances présentes dans l'environnement" notamment.

Principalement financée par les ministères de l'Écologie et de la Santé -et aussi par ceux du Travail et de l'Agriculture-, elle va sonder tous les deux ans des échantillons distincts de quelque 3.150 personnes, enfants et adultes, âgés de 0 à 79 ans, sélectionnés au hasard sur 167 zones d'enquêtes "réparties aléatoirement" dans l'Hexagone, pour la première phase (2025-2026).

Son extension aux territoires ultra-marins, espérée "à l'horizon 2028", qui alourdira le coût d'Albane (12 millions d'euros), pour des raisons logistiques notamment, est "en discussion depuis un an avec les financeurs", a précisé à l'AFP Sébastien Denys, directeur santé-environnement-travail à SpF.

"C'est une enquête innovante, cyclique (...) à l'image de dispositifs qui existent aux États-Unis ou au Canada", qui permettra "d'être réactifs et de pouvoir rajouter des questions spécifiques, donc d'apporter des réponses à une attente sociale ou des questions politiques ou sociétales", a précisé Caroline Semaille, directrice générale de SpF lors d'une conférence de presse.

Elle prolonge des enquêtes précédentes (INCA de l'Anses, Étude nationale nutrition santé et Esteban de SpF) et permettra d'aller, "dans un environnement, rechercher les éléments qui sont éventuellement négatifs pour la santé des Français", a complété Benoît Vallée, directeur général de l'Anses.

- "Ne manquer aucun pesticide" -

Ainsi les métaux auxquels la population française est exposée tels que "le cadmium, le mercure ou le plomb", seront recherchés "dans le sang et les urines" des participants, tout comme les polluants organiques persistants (composés perfluorés, PCB, dioxydes et furanes, hydrocarbures aromatiques polycycliques), a détaillé Loïc Rambaud, chef de projet de l'enquête Albane. Mais aussi les phtalates, "ajoutés aux plastiques pour les rendre plus mous", les bisphénols, qui sont "pour certains, des perturbateurs endocriniens" et "l'ensemble des familles de pesticides", dont certains sont "interdits, mais qu'on retrouve largement dans la population et l'environnement", ou encore "les néonicotinoïdes et certains antifongiques".

"Une analyse assez large de l'ensemble des pesticides qu'on pourrait trouver dans les urines" sera menée, de façon à "être sûr de n'en manquer aucun", a précisé M. Rambaud. Des données complémentaires aux résultats de l'étude PestiRiv, attendus en octobre, sur l'exposition aux pesticides des habitants des zones viticoles.

L'objectif est d'"établir des valeurs de référence d'exposition à partir des niveaux d'imprégnation de la population" générale à ces substances afin de montrer "quelles sont les maladies développées en fonction des expositions, des habitudes alimentaires et des caractéristiques de l'environnement décrites ou mesurées".

Albane inclura un questionnaire réalisé en face-à-face par l'institut IPSOS, un auto-questionnaire en ligne, une enquête alimentaire, une mesure de l'activité physique sur 7 jours et un examen de santé (prélèvements d'urine, de sang et de cheveux selon l'âge des participants).

Une fois croisées avec celles du Système National des Données de Santé (SNDS), ces données anonymisées doivent permettre de "mieux objectiver la fréquence des maladies chroniques et des facteurs de risques", en particulier leur "part non diagnostiquée" et d'alimenter des travaux de l'Anses visant à établir des valeurs toxicologiques de référence pour une substance.

Albane a pour finalité d'orienter les politiques publiques: Programme national nutrition et santé, Plan national de l'alimentation ou Stratégie nationale de biosurveillance et d'alimenter la recherche en France comme à l'international.

À l'échelon de l'UE, ces données seront exploitées dans le cadre du Partenariat européen pour l'évaluation des risques liés aux substances chimiques, visant à anticiper les risques émergents et soutenir les nouvelles orientations des politiques publiques européennes de protection de la santé et de l'environnement.

Elles seront aussi partagés avec l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) qui évalue les risques liés aux substances présentes dans les aliments.