Agriculture: Noël avant l'heure pour l'influente FNSEA

Le puissant syndicat agricole FNSEA a récemment engrangé une série de victoires en Europe et en France dont l'abandon de hausses de taxes sur les pesticides, un renoncement vertement décrié par des organisations de défense de la nature et des acteurs de l'eau.

"On l'a vécu comme une séquence +boum, boum, boum+ : que des mauvaises nouvelles de notre point de vue", décrit à l'AFP le porte-parole de l'association environnementale Générations futures, François Veillerette.

16 novembre: la Commission européenne renouvelle pour dix ans l'autorisation du désherbant le plus utilisé en agriculture, le controversé glyphosate.

22 novembre: le Parlement européen rejette une législation visant à réduire de moitié l'usage des pesticides dans l'UE d'ici à 2030.

"Acceptons de dire que c'est une victoire parce que vu ce qu'il y avait dedans (...) on ne va quand même pas bouder notre plaisir", a déclaré le président de la FNSEA Arnaud Rousseau la semaine dernière, lors de l'assemblée générale des planteurs de betteraves.

Quant au projet européen sur la restauration de la nature, le chapitre sur les terres agricoles a largement disparu du texte final.

"Nous avons réussi à faire en sorte que le volet agricole soit finalement neutralisé", résume Arnaud Rousseau.

- "Lâcheté" -

Pour le dernier épisode, les taxes, le syndicat a inauguré un mode d'action pacifique: retourner les panneaux d'entrée de ville un peu partout en France.

L'idée est venue à l'automne de la FNSEA et des Jeunes agriculteurs (JA) du Tarn pour illustrer un monde à l'envers. Elle a vite essaimé autour du slogan "On marche sur la tête", avec une multitude de revendications (contre les hausses de taxes, les accords de libre-échange, les retards des versements des aides européennes...) égrenées dans des manifestations locales.

Le 30 novembre, à l'issue d'un entretien avec le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau, Arnaud Rousseau prévient que, sans réponse de l'exécutif, la traditionnelle visite du président Emmanuel Macron au Salon de l'agriculture pourrait être chahutée fin février.

FNSEA et JA sont reçus quelques jours plus tard sur le trottoir d'en face, à Matignon. Elisabeth Borne décide de faire "reset", selon un propos rapporté par la FNSEA, sur deux augmentations de redevances figurant dans le projet de loi de finances 2024. Portant sur les utilisateurs de pesticides et les irrigants, elles devaient fournir de nouvelles recettes aux Agences de l'eau.

Tollé du côté des associations environnementales et des acteurs de l'eau. "Le gouvernement choisit la voie de la lâcheté", dénonce Agir pour l'environnement.

"Ça revient à un permis de polluer et gaspiller l'eau au profit du lobby de l'agriculture intensive", tonne le président d'Eau de Paris, Dan Lert.

Les présidents de cinq des sept comités de bassins français (assemblées locales de la ressource en eau) et le président du comité national de l'eau demandent un rendez-vous avec M. Macron "dans les meilleurs délais", selon une lettre publiée mardi par le média Contexte.

- Ne pas "rallumer la mèche" -

Mercredi, la Fédération nationale d'agriculture biologique a appelé à maintenir ces hausses de redevance, arguant qu'elles vont "dans le sens d'un rééquilibrage progressif et d'une application, encore très partielle et pourtant nécessaire, du principe pollueur-payeur".

"L'agriculture prendra sa part à l'effort collectif demandé" mais de façon "supportable" et concertée, assure Arnaud Rousseau. Il cite en exemple le relèvement progressif du coût du carburant des tracteurs (GNR), négocié "en responsabilité" avec Bercy.

"La période où on arrachait les grilles de préfecture, c'est terminé. La contrepartie, c'est qu'il faut que le bord politique entende et réagisse", affirme-t-il.

"J'en veux beaucoup à ce gouvernement (...) Quelle autre catégorie sociale peut faire tomber un projet de loi juste en haussant un sourcil ?" s'agace le porte-parole de Générations futures.

"C'est comme avec les enfants, quand on leur dit oui tout le temps, ils ont tendance à demander des choses de plus en plus impossibles", grince l'ex-enseignant.

"Le gouvernement a très peur de rallumer la mèche des gilets jaunes et d'un basculement d'une partie du monde agricole vers le Rassemblement national qui se structure autour d'un credo anti-écologie punitive", observe auprès de l'AFP le politologue Eddy Fougier.

Face à l'exaspération de "la base", le président de la FNSEA affirme: "Je les tiens pour l'instant mais ça pourrait déborder."