Entre l'"esprit de conquête" de la majorité et la "déception" des oppositions, le projet de loi sur l'agriculture entame mardi huit jours de débats au long cours à l'Assemblée, allant du prix payé aux agriculteurs à l'alimentation et au bien-être animal.
Après les quatre mois d'Etats généraux de l'alimentation, le texte est "équilibré" et "bien éloigné des visions parfois folkloriques" de l'agriculture, a affirmé le ministre Stéphane Travert (ex-PS), vantant "un changement de paradigme" notamment pour rendre l'"esprit de conquête" à l'agriculture.
Député de la Creuse et agriculteur, le rapporteur Jean-Baptiste Moreau vante un texte "ambitieux" pour répondre aux "réalités du terrain", lui qui a affiché sur Twitter son "dimanche d'ensilage d'herbe". Il espère "une base forte pour les prochains débats sur la Politique agricole commune".
Objet d'une intense mobilisation des députés et lobbies, le projet de loi a suscité plus de 2.300 amendements, et le temps programmé de débats a été encore allongé mardi, de sorte que l'Assemblée siégera non stop, week-end compris, jusqu'au vote mercredi prochain.
Premier volet: mieux rémunérer les agriculteurs dans un contexte de "guerre des prix" dans l'agroalimentaire. "Tout le monde partage l'objectif", selon le rapporteur.
"Un agriculteur sur deux gagne moins de 350 euros par mois" et "un agriculteur se suicide tous les 3 jours", a souligné devant la presse Richard Ramos (MoDem), dénonçant une course aux profits dans l'agroalimentaire "mortifère".
Sur ce texte "important", le MoDem salue des "avancées réelles" pour rééquilibrer les relations commerciales, le coprésident des députés UAI Franck Riester "une opportunité forte" que son groupe compte renforcer.
Les LR, à l'image de leur président et ex-responsable syndical agricole Christian Jacob, épinglent globalement une "loi agricole (qui) n'accouchera pas de grand-chose" et envisagent un vote contre.
- "Vilains écolos bobos" -
A l'unisson de certaines organisations agricoles, FNSEA en tête, pour qui "l'attente est immense", ils jugent le texte pas à la hauteur sur "les charges pesant sur les agriculteurs et le poids des normes", notamment environnementales.
A gauche, les socialistes, avec dans leurs rangs l'ex-ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll, affichent leur "déception" devant un volontarisme de l'Etat "trop peu affirmé" et un manque de "vision forte".
Le groupe entend "donner de la chair à cette loi qui en manque tant", par exemple par des exigences sur la publicité en direction des enfants ou en proposant une "police unifiée" des contrôles sanitaires, selon Guillaume Garot, ex-ministre délégué à l'Agroalimentaire.
"Déception" aussi chez les communistes face à un texte "corseté par son idéologie libérale". "Le poids des industriels et de la grande distribution restera très fort", a estimé leur président André Chassaigne.
Le second volet du projet de loi, axé sur une alimentation plus saine et durable et un respect du bien-être animal, promet des débats "plus musclés", anticipe le rapporteur, s'attendant notamment à ce que LR "nous présente en vilains écolos bobos".
Il y aura des "oppositions internes" sur ce volet par "convictions personnelles", chez LR, les socialistes, "chez nous aussi", selon ses pronostics.
S'il a salué des "avancées", le chef de file des MoDem Marc Fesneau a appelé devant la presse à ne pas "braquer" le monde agricole sur "des situations où il n'y a pas de solution même technique". Et Nicolas Turquois (MoDem), agriculteur, de renchérir: "Si on fait une loi (...) trop bobo (...) alors ils ne la croiront pas crédible".
Des élus de plusieurs groupes, y compris certains "marcheurs" comme Matthieu Orphelin, proche de Nicolas Hulot, espèrent néanmoins "de nouvelles avancées", dont une "programmation raisonnée de la fin du glyphosate" gravée dans la loi, après les ajouts en commission sur le bio ou les néonicotinoïdes.
Le bien-être animal, auquel "le gouvernement est particulièrement attentif", promet aussi d'agiter l'hémicycle. "On a été tous abreuvés dans nos boîtes mails" par des associations comme L214 mais "il faut savoir raison garder", a lancé Marc Fesneau, au lendemain d'un appel de Brigitte Bardot notamment pour la vidéosurveillance dans les abattoirs.
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