L'auto-entrepreneur, devenu micro-entrepreneur, aura 10 ans au 1er janvier: ce régime social et fiscal simplifié connaît un grand succès mais reste controversé.
Plus de 44% des nouvelles entreprises en France (tendance à la hausse) sont immatriculées sous ce régime qui "a résisté au fil du temps à tous ceux qui ont voulu le complexifier", se réjouit François Hurel, auteur du rapport à l'origine de sa création et président de l'Union des auto-entrepreneurs.
Pour toute comptabilité, les auto-entrepreneurs se contentent de déclarer en ligne chaque mois ou trimestre leur chiffre d'affaires.
Entre 2009 et 2012, l'engouement est immédiat, notamment grâce à l'émergence des grandes plateformes en ligne comme Uber, qui ont recours à des indépendants plutôt qu'à des salariés.
"L'initiateur que je suis n'a absolument pas vu venir la bascule de 2011 avec l'émergence du numérique et surtout de l'économie collaborative", reconnaît M. Hurel.
Jusqu'en 2012, c'est une "embellie immédiate, tout le monde a envie de se lancer parce que c'est simple", confirme Grégoire Leclerq, président de la Fédération des auto-entrepreneurs, qui revendique 80.000 membres dont un quart de cotisants actifs.
Puis au début du quinquennat de François Hollande, l'hostilité des artisans, qui voient dans ce nouveau régime une concurrence déloyale, est pendant un temps relayée par la ministre déléguée chargée de l'Artisanat, Sylvia Pinel.
Le cadre législatif sera modifié en 2014 avec l'adoption d'un texte prévoyant un régime micro-social unique pour toutes les entreprises individuelles dont le chiffre d'affaires est inférieur à 32.900 euros pour les services et 82.200 euros pour les commerces.
- abus -
En 2017, Emmanuel Macron annonce durant sa campagne électorale le doublement du plafond, à 170.000 euros pour les commerces et 70.000 euros pour les services, effectif depuis le 1er janvier 2018.
Malgré l'assujettissement à la TVA pour ceux qui dépassent les plafonds initiaux, la mesure passe de nouveau mal auprès des artisans.
"Ce régime dérogatoire ne devrait plus exister au bout de deux ans" d'activité, estime Alain Griset, président de l'U2P, principale organisation des artisans en France.
Artisans, syndicats de salariés et parfois les auto-entrepreneurs eux-mêmes se plaignent aussi de nombreux abus.
"Les gros groupes multinationaux font beaucoup d'argent sur le dos des Français et utilisent des micro-entrepreneurs qui n'ont plus la protection que le salariat leur donne pour faire le même boulot", regrette M. Griset. "Et si on le permet pour des très grands groupes, comment voulez-vous que mes collègues un jour continuent à embaucher des salariés avec tous les risques et toutes les contraintes?"
Un constat proche de celui des syndicats de salariés, qui dénoncent un type d'activité plus souvent subi que choisi.
- revenu complémentaire -
"Les livreurs à vélo de Deliveroo, où on a créé un syndicat, revendiquent le droit à un revenu stable, à un revenu minimum, le droit de s'organiser, à mener des négociations", explique Fabrice Angéi, secrétaire confédéral de la CGT.
Certains demandent la requalification de leur activité en contrat de travail. Fin novembre, la Cour de cassation a établi un lien de subordination entre la défunte société de livraison de repas Take Eat Easy et l'un de ses coursiers, une décision qui pourrait entrouvrir la porte du salariat à certains livreurs travaillant pour des plateformes numériques.
Les revenus des auto-entrepreneurs restent le plus souvent très faibles, et trois sur 10 avaient parallèlement un emploi salarié en 2015, selon une étude de l'Insee parue en février dernier. Elle constatait que "les micro-entrepreneurs retirent en moyenne 440 euros mensuels de leur activité".
"On a beaucoup de salariés, y compris dans la fonction publique aujourd'hui, qui, pour compléter un revenu qui n'est pas décent, se mettent auto-entrepreneurs", rapporte M. Angéi.
"C'est un statut idéal quand on démarre, quand on est pas sûr de son activité", estime de son côté Laetitia Vanoye, ancienne responsable des achats de Pimkie (groupe Auchan), qui crée et vend des bijoux sur des marchés, des lieux privés et grâce à son site internet.
Mais "si on investit trop, on n'a pas intérêt" à opter pour le régime de la micro-entreprise, souligne-t-elle, "parce qu'on a trop de charges" qui ne sont pas déductibles, contrairement à une entreprise individuelle classique, plus contraignante au plan fiscal et administratif.