Les thérapies géniques: un espoir pour les patients, un défi pour les payeurs

Des thérapies géniques commencent à accéder au marché pour soigner des maladies jusqu'alors incurables: un formidable espoir pour les patients, mais un immense défi pour les systèmes de santé en raison de leurs coûts, surtout si leur usage venait à se généraliser.

Ces thérapies consistent généralement à remplacer directement dans l'organisme (in vivo) un gène défectueux par un gène fonctionnel, ou à prélever des cellules pour les modifier génétiquement en laboratoire avant de les réinjecter au malade (ex vivo).

Ce segment des biotechnologies pourrait générer 363 millions de dollars de recettes dès 2022 (308 millions euros) au niveau mondial, selon une récente étude du cabinet Research and Markets.

Ce serait certes encore une goutte d'eau au sein du colossal marché pharmaceutique mondial, dont les ventes de médicaments sur prescription médicale pourraient dépasser 1.000 milliards de dollars en 2022 (850 milliards euros), selon Evaluate Pharma.

Mais si les premiers traitements de thérapie génique ont ciblé des maladies rares et monogéniques (impliquant un seul gène), la recherche biopharmaceutique bouillonne dans ce domaine, avec plus de 2.200 essais cliniques en cours dans le monde, y compris dans des pathologies de masse comme le cancer, le diabète et les maladies neurodégénératives.

- La percée des CAR-T -

C'est particulièrement dans le cancer qu'une stratégie indirecte de thérapie génique, les cellules CAR-T, avance actuellement à grands pas.

Cette technologie consiste à reprogrammer génétiquement une catégorie de cellules immunitaires, les lymphocytes T, pour "les armer comme un missile" afin de leur permettre de détecter et de tuer des cellules cancéreuses, rappelle à l'AFP Antoine Papiernik, président de Sofinnova, société de capital-risque spécialisée dans les sciences de la vie.

Le géant biopharmaceutique suisse Novartis a ouvert la voie en août 2017 en obtenant l'approbation aux Etats-Unis d'un premier produit CAR-T, le Kymriah, ciblant une forme rare de leucémie.

Les grandes manoeuvres dans l'industrie pharmaceutique n'ont pas tardé: juste après l'approbation du Kymriah, l'américain Gilead mettait la main pour près de 12 milliards de dollars sur le spécialiste des CAR-T Kite Pharma, imité quelques mois plus tard par Celgene avec l'acquisition de Juno Therapeutics pour 9 milliards de dollars.

Fin juin, Kymriah et Yescarta, médicament CAR-T de Gilead ciblant un cancer du système lymphatique, ont également été approuvés en Europe. Aux Etats-Unis, leurs prix catalogue donnent le vertige: 475.000 dollars par patient pour Kymriah, 373.000 dollars pour Yescarta.

Car la complexité actuelle de leur fabrication, à partir de cellules autologues (prélevées du patient lui-même), gonfle leurs coûts et laisse aussi planer le doute sur leur potentiel usage à grande échelle.

"Pour l'instant ces traitements ne ciblent que des cancers du sang, mais ils donnent des résultats impressionnants. La prochaine étape des CAR-T, visant des tumeurs solides, s'annonce plus compliquée", selon M. Papiernik.

Pour industrialiser leur usage, il faudrait aussi trouver un moyen d'utiliser des cellules de donneurs sains (cellules dites "allogéniques"), un obstacle sur lequel bon nombre de biotechs travaillent, dont la française Cellectis ou l'américaine Allogene Therapeutics.

La puissance des CAR-T est par ailleurs à double tranchant, car "l'énorme résurgence du système immunitaire qu'elles déclenchent peut tuer le patient", prévient encore M. Papiernik.

- Un modèle d'activité tâtonnant -

Utilisées en dernier recours, les thérapies géniques ont peiné jusqu'à présent à trouver un modèle d'activité viable, en raison de prix élevés et de très peu de patients éligibles.

Ainsi le pionnier Glybera, lancé en Europe en 2012 pour traiter une maladie génétique du pancréas et vendu 1 million de dollars par patient, a été un échec commercial retentissant. Au point que son fabricant, la biotech néerlandaise UniQure, l'a retiré de la vente l'an dernier.

Quant au britannique GSK, il a préféré transférer en avril son portefeuille de thérapie génique (dont le Strimvelis pour les "bébés-bulles") à la biotech spécialisée Orchard Therapeutics.

Pour devancer les critiques sur les prix de ces traitements, certains fabricants ont recours à des pratiques commerciales atypiques pour le secteur.

Ainsi début 2018, la biotech américaine Spark Therapeutics s'est engagée à rembourser les payeurs pour les patients non répondeurs au Luxturna, sa thérapie génique ciblant une dégénérescence héréditaire de la rétine et vendue 850.000 dollars pour les deux yeux aux Etats-Unis. Une démarche inspirée d'un engagement similaire de Novartis pour le Kymriah.

etb/tq/bw

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