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Nos contrats d’assurance face au risque systémique du changement climatique ?

Protéger ses biens contre les risques d’incendie ou d’inondation pourrait devenir plus cher, voire impossible, à l’horizon 2050 du fait du changement climatique.

Une augmentation de 4°C entraînerait des catastrophes naturelles (incendies, inondations, cyclones…) trop fréquentes pour permettre de couvrir le coût de ces sinistres par des contrats d’assurance. Investir dès à présent dans la transition écologique est une solution pour éviter ce scénario.

Le changement climatique fait s’envoler le coût des catastrophes naturelles

Sans actions concrètes dès à présent, le réchauffement climatique pourrait atteindre +3°C ou +4°C dès 2100. Une telle hausse de la température moyenne de la planète est de nature à accélérer la survenue de catastrophes naturelles plus violentes, et surtout plus fréquentes, selon les travaux du GIEC1. Depuis 1970, les catastrophes naturelles (incendies, inondations, tempêtes…) ont été multipliées par cinq, selon l’Organisation météorologique mondiale, rattachée à l’ONU. A l’échelle mondiale, elles ont généré en 2022 une facture de dégâts de 275 milliards de dollars, dont la moitié seulement était couverte par un contrat d’assurance.

En France, le montant des dommages indemnisés par les assureurs en 2022 a atteint 10,6 milliards d’euros. Alourdie par les épisodes de grêle et de sécheresse, cette facture est trois fois supérieure à la moyenne annuelle constatée au cours des 5 dernières années (3,5 milliards d’euros). Ce triste record n’avait plus été enregistré depuis vingt ans. Mais il pourrait devenir une moyenne dans les prochaines décennies. En effet, la facture totale des sinistres climatiques en France pourrait doubler d’ici à 2050 par rapport aux 30 années précédentes, selon France Assureurs. Ces sinistres représenteraient 143 milliards d'euros d'ici à 2050 contre 69 milliards d'euros entre 1989 et 2019.

Le réchauffement climatique pose un dilemme aux assureurs

Lors de la COP21 en 2015, Henri de Castries, alors PDG d’Axa, n’avait alerté qu’une augmentation des températures de 2°C permettait encore de maintenir l’assurabilité du monde, mais qu’une hausse de 4°C ne le permettrait certainement pas. En effet, l’industrie de l’assurance est bâtie sur un modèle actuariel basé sur l’aléa. On assure le risque, c’est-à-dire un événement ayant une probabilité donnée de survenir. Si la probabilité est trop élevée, le risque devient une quasicertitude. L’aléa disparaît, et la couverture de l’événement devient impossible, ou très coûteuse pour le souscripteur. L’ACPR2 estime que les primes d’assurance vont augmenter de 130% à 200% dans les 30 prochaines années (le changement climatique étant le premier facteur de cette inflation, selon France Assureurs). A l’avenir, s’assurer pourrait donc devenir plus coûteux et avec des garanties restreintes.

Pour évaluer ces enjeux, le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, a lancé en mai une mission d’étude sur l’assurabilité des risques climatiques. Cette étude vise à réaliser un état des lieux et des recommandations sur l’évolution du système assurantiel français face au dérèglement climatique, autour de trois axes : soutenabilité du régime français d’indemnisation des catastrophes naturelles, renforcement du rôle du système assurantiel dans le financement de la prévention et de l’adaptation face au dérèglement climatique, et contribution du cadre prudentiel et de la politique de souscription des assureurs à l’atténuation du changement climatique. « Les évènements climatiques extrêmes - tempêtes, inondations, cyclones, sécheresses - se multiplient et augmentent en intensité. Ces évènements posent dès aujourd’hui la question de l’assurabilité de nombreux territoires, en Outre-mer comme en métropole », a-t-il averti.

En France, le Code des assurances impose la garantie catastrophe naturelle dans tous les contrats d’assurance dommages (habitation, professionnelle, automobile…). Ainsi, 95% des Français sont actuellement couverts face à ce risque, dès lors qu’un arrêté préfectoral reconnaît la survenue d’une catastrophe climatique sur le territoire. Ce caractère universel et indispensable pourrait être remis en question par la recrudescence des événements climatiques. De plus, certains phénomènes jusqu’alors inconnus sous nos latitudes, comme les tornades très localisées, n’entrent pas dans la définition légale en vigueur de la catastrophe naturelle. Le changement climatique pose donc un dilemme aux assureurs et à la puissance publique.

Pour s’assurer demain, il faut investir dans la décarbonation de l’économie dès à présent

Les assureurs jouent un rôle important dans notre économie et notre société. Pour pérenniser leur activité, le cadre actuariel de couverture des dommages dus aux catastrophes naturelles pourrait évoluer. Ces modèles statistiques et mathématiques vont inéluctablement devoir tenir compte du caractère exponentiel des risques associés aux conséquences du changement climatique. Comme l’a fait le secteur de la finance pour intégrer les critères ESG dans ses prises de décision.

Les assureurs disposent d’un autre levier d’action : agir dès à présent pour préserver le climat. Cela passe par l’investissement dans la décarbonation de l’économie. En orientant les encours qu’ils gèrent vers le soutien de cette transition écologique, ils financent les entreprises actrices de la réduction des émissions de carbone. A travers elles, les assureurs investissent dans l’avenir de leur propre activité. Le défi climatique se relève dès à présent, et chacun doit y contribuer.

Contenu rédigé par Laurent Trulès et Tristan Fava, co-gérants du fonds Dorval European Climate Initiative