Bertille Knuckey, gérante du fonds Happy@work chez Sycomore AM
Entreprises

Le bien-être des salariés au service de la performance économique

Bertille Knuckey, gérante du fonds Sycomore Happy@Work chez Sycomore AM, revient sur la philosophie de ce fonds de gestion pas comme les autres, qui s'intéresse autant au bien-être des salariés qu'aux performances des entreprises.

Miser sur des entreprises européennes cotées en bourse. Jusque là, l’activité de Sycomore Asset Management est celle d’un gestionnaire d’actifs ordinaire : pour le compte de clients, la plupart du temps institutionnels, la société gère l’argent des épargnants et l’injecte dans des structures présentant des profils financiers intéressants. Mais pour certains de ses fonds, qui représentent 30 % de ses encours, Sycomore ajoute aux habituels critères financiers des critères extra-financiers et ne sélectionne que des sociétés aux pratiques responsables, selon une politique d’investissement socialement responsable. Happy @ Work est l’un de ceux-là.

Qu'est-ce qui fait la particularité du fonds Sycomore Happy @ Work ?

Le fonds Sycomore Happy @ Work sélectionne des entreprises qui attachent une importance particulière au capital humain. Je dis « importance particulière » parce que nous nous sommes vite rendu compte que ce n'est pas si évident d'établir une typologie d'entreprises qui participent vraiment à l’épanouissement de leurs salariés. Il existe en effet une multiplicité de modèles organisationnels qui dépendent de la culture de l’entreprise, de sa taille, de sa stratégie… Tout un tas de facteurs qui vont jouer sur l'épanouissement des managers et des collaborateurs, l’agilité de l’organisation et donc in fine sur le bien-être au travail.

Quelle est votre méthode pour sélectionner les entreprises ?

La sélection se fait autour de trois grands axes. Le premier concerne la vision des dirigeants et l’intérêt qu’ils portent au capital humain. C’est vraiment le point qui nous permet d’identifier s'il s'agit d'une priorité stratégique pour l’organisation. Le deuxième est structuré autour des éléments essentiels selon nous pour créer un environnement propice à l’auto-motivation. Ils sont au nombre de cinq : le sens, l'autonomie, les compétences, les relations de travail et l'équité. C'est à partir de ces indicateurs qu'est élaborée notre grille d'analyse et que l'on évalue les moyens mis en œuvre par l’entreprise pour favoriser l’engagement et l’épanouissement des collaborateurs. Enfin, le troisième axe est vraiment celui qui nous permet de vérifier les informations fournies par la société. Nous récoltons ainsi trois sources d’informations : les visites sur le terrain, les enquêtes de satisfaction et enfin les sites internet qui recensent les commentaires et notes de salariés ou d'anciens salariés sur la structure.

Et cette prise en compte du capital humain a une influence sur les performances des entreprises ?

Quand nous avons lancé ce fonds, nous nous sommes beaucoup renseignés sur le lien entre performances économiques (mais pas forcément boursières) et bien-être au travail. Et toutes les études démontrent qu’il y a en effet un rapport entre les deux et que les entreprises où les salariés sont plus épanouis, moins absents, fidèles à l’organisation... sont aussi celles où ils sont le plus créatifs et performants. On constate une hausse des pourcentages de ventes ou une productivité accrue dans ces organisations.

Avez-vous des exemples de bonnes pratiques menées par les entreprises sélectionnées ?

Il en existe un certain nombre. Le cas de Michelin revient souvent car il s’agit d’un très bon exemple. Ces dernières années, les dirigeants ont commencé à transformer l’organisation en supprimant des échelons de management et en donnant du pouvoir de décision aux équipes opérationnelles. En leur laissant la possibilité de s’organiser comme ils le souhaitaient, d’élire par exemple un représentant tournant dans le temps. Ils ont vraiment mis en place une gouvernance plus participative. C’est un peu un cas d’école et aussi un exemple hors de la tech, car on pense souvent que seules les entreprises du secteur de la technologie ou les start-ups peuvent innover. Michelin est la preuve qu'on a aussi des gros groupes industriels qui essaient de se réinventer et qui ont compris l’importance d’embarquer les hommes et les femmes qui travaillent dans l’organisation. Quand les collaborateurs sont encouragés à innover, l’entreprise est d’autant plus performante et agile. On peut aussi citer l'exemple de Bonduelle, qui a défini sa stratégie 2025 avec l’aide notamment de ses collaborateurs. L'entreprise a associé des employés à tous niveaux de responsabilité pour les impliquer dans la stratégie. C’est une pratique encore assez rare.