L'entreprise Carbios veut se positionner sur les déchets dont personne ne veut
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En Lorraine, la "première usine au monde" qui recycle ce qui ne se recycle pas

Recycler biologiquement les barquettes alimentaires en plastique qui finissent habituellement à l'incinérateur est désormais possible: après avoir mis au point une technologie innovante, l'entreprise Carbios s'apprête à ouvrir "la première usine au monde" du genre, dans l'est de la France.

Avec sa technologie, l'entreprise dit pouvoir recycler des produits dont personne ne veut. Des flacons, barquettes ou d'anciens habits notamment, même de mauvaise qualité ou sales, sont les plus recherchés par l'entreprise, car la plupart des autres sociétés de recyclage ne les traitent pas.

chercher tout ce que les autres ne recyclent pas

"La qualité du déchet entrant ne nous intéresse pas, on cherche même des déchets médiocres", explique à la presse le directeur général de Carbios, Emmanuel Ladent. "Avec une technologie comme Carbios, on va aller chercher tout ce que les autres ne recyclent pas".

Cette solution offrira à ces déchets difficiles à recycler un "recyclage circulaire, leur conférant de la valeur et les empêchant ultimement d'être enfouis ou incinérés", résume le groupe implanté à Clermont-Ferrand à l'occasion de la pose de la première pierre de son usine à Longlaville (Meurthe-et-Moselle).

Concrètement, une enzyme, créée par l'entreprise, a la capacité, lorsqu'elle est mêlée, dans une cuve, à des déchets, de séparer les différents composants du déchet et de mettre de côté le polyéthylène téréphtalate (PET).

Il faut environ un kilo d'enzymes pour une tonne de PET, explique M. Ladent. "Au bout de quelques heures, on a un liquide qui sort", après que l'enzyme a permis de faire la séparation du PET.

Il reste ensuite des étapes de filtration et de purification permettant la fabrication de PET entièrement biorecyclé, "sans en compromettre la qualité", selon M. Ladent.

Peu de pertes

Les plastiques PET sont très utilisés, mais encore actuellement majoritairement créés à partir de matières pétrolières et non issus du recyclage.

Avec ce processus, pour "une tonne de déchets préparés, on sort 90% de matériau", explique M. Ladent, un chiffre "parmi les plus élevés" dans les différentes techniques de recyclage. Le reste sort "sous forme d'un gâteau, ce sont des particules, qui sera un très bon consommable, c'est idéal par exemple pour de l'énergie pour une cimenterie".

L'objectif, pour M. Ladent, est désormais de licencier cette technologie et de la commercialiser mondialement... A commencer par l'usine de Longlaville, à quelques kilomètres seulement du Luxembourg et de la Belgique.

Les déchets PET, avec idéalement "un minimum de bouteilles en plastique et un maximum de déchets difficiles à recycler" selon M. Ladent, seront recueillis dans un périmètre de "300 à 500 kilomètres" de cette commune frontalière, en France, Allemagne, Belgique ou au Luxembourg.

Diverses marques, comme L'Occitane en Provence, L'Oréal, Salomon ou Puma, sont d'ores et déjà partenaires de Carbios.

Une filière dédiée au textile, parfois composé de polyester, est notamment prévue, alors que seuls 13% d'entre eux sont actuellement recyclés, selon Carbios.

Une décennie de recherches

"La première usine de biorecyclage au monde sera tricolore", a salué sur le réseau social LinkedIn le président de la République Emmanuel Macron mercredi, qualifiant le procédé de "révolution technologique" et l'usine à naître de "fierté française".

"Une décennie" de recherches a été nécessaire pour perfectionner cette technique de recyclage dite de "dépolymérisation enzymatique", indique l'entreprise. Un premier processus de recherche et développement a été conduit dès 2011, pour passer à des tests en condition dans le laboratoire puis démonstrateur industriel de Clermont-Ferrand.

Implantée sur un terrain de 13 hectares, la future usine permettra de traiter 50.000 tonnes de déchets par an, ce qui représenterait, par exemple, 300 millions de t-shirts. Quelque 150 emplois, directs et induits, seront créés.

L'investissement, chiffré à 230 millions d'euros en juin 2023, est en partie financé par l'État via France 2030 et la région Grand Est.

L'usine devrait pouvoir fonctionner à plein régime en 2026.