"Bassine arrière!": des milliers d'opposants à un projet de "mégabassines" dans le Puy-de-Dôme

Sous la couleur bleue pour défendre l'eau comme un "bien commun", plusieurs milliers d'opposants à la construction des "deux plus grandes mégabassines de France" participent samedi à une grande "randonnée pédagogique, festive et artistique" dans le Puy-de-Dôme.

Le cortège, entre 4000 participants selon la préfecture et 6500 selon les organisateurs, s'est élancé en milieu de matinée dans une ambiance bon enfant pour dénoncer les projets de construction de deux réserves d'eau, l'une de 14 hectares, l'autre de 18 hectares, destinées à irriguer 800 hectares dans la plaine de la Limagne, où est implanté Limagrain, le 4e semencier mondial.

Les autorités ont déployé 400 éléments assistés d'un hélicoptère, mesures de sécurité renforcées en raison du caractère "sensible" de cette randonnée dans les champs après les violents affrontements survenus lors de la mobilisation de Sainte-Soline (Deux Sèvres) l'an dernier.

"Il faut faire bassine arrière", "Mort aux bâches". Sous le soleil, les manifestants s'équipent: crème solaire, peinture bleue et banderoles, certains visages sont masqués, beaucoup portent des chapeaux. "Et l'eau, elle est à qui? A nous", interroge un manifestant sur sa pancarte.

Habits bleus, perruques bleues pour "symboliser l'eau" à la demande des organisateurs -- dont Extinction Rebellion et les Soulèvements de la Terre--, la foule à pied, à vélo ou en poussettes, avec ses enfants ou son chien, toute génération confondue, a marché jusqu'au site envisagé pour la construction des retenues d'eau à but agricole.

Au son des tambours, la foule forme une chaîne humaine pour matérialiser le tracé d'une des deux retenues prévues, visant selon le collectif à "privatiser plus de 2,3 millions de m3 d'eau pour 36 exploitations, la plupart liées à Limagrain".

Certains ont apporté des pousses de hêtres et des chênes à planter, d'autres distribuent des noix et des noisettes pour être semées. Objectif, faire le tour du site et "redonner cet aspect un peu bocager que pouvait avoir le paysage autrefois", lance au micro Ludovic Landais, de la Confédération Paysanne 63.

Vendredi déjà, une centaine de militants avait symboliquement semé du maïs +population+, une variété non stérile, sur une parcelle à une trentaine de kilomètres au sud de Billom, a indiqué Maud, du collectif organisateur, à l'AFP.

- Irrigation et 'sécurité alimentaire'-

Le collectif BNM dénonce des "gigabassines" qui "se rempliront directement par pompage" dans l'Allier, "une zone classée Natura 2000 qui supporte localement l'alimentation en eau potable de plus de 200.000 habitants".

"Dans ce pays, les agro-industriels, les gens qui font de l'argent, sont beaucoup plus entendus, (...) c'est Robin des bois à l'envers", s'indigne auprès de l'AFP la secrétaire nationale des écologistes Marine Tondelier, parmi les manifestants.

La députée LFI Clémence Guetté, qui a porté un projet de loi de moratoire sur les méga bassines dénonce pour sa part "l'intention du gouvernement d'accompagner l'agrobusiness au détriment des petits agriculteurs".

De son côté, Limagrain explique qu'"il est essentiel que les agriculteurs puissent continuer à produire des cultures de qualité en quantité suffisante" et donc "irriguer lorsque cela est nécessaire", au nom de la "sécurité alimentaire" en période de changement climatique.

Ces projets de mégabassines, portés par l'Association Syndicale Libre des Turlurons - qui regroupe 36 agriculteurs, dont le président de la coopérative Limagrain - n'ont pas encore fait l'objet de demande formelle d'autorisation, et leurs opposants espèrent obtenir un moratoire. Les antibassines accusent Limagrain de vouloir "sécuriser sa production de maïs semence destinée à l'exportation".

Selon la coopérative agricole, les retenues seraient remplies par prélèvements dans l'Allier entre le 1er novembre et le 31 mars, en respectant le débit autorisé de 45,7 m3/seconde.

"Quand on a commencé les premières manifs, la majorité des gens ne savaient pas ce que c'était qu'une bassine. Aujourd'hui le rapport de force sur ce sujet-là contre la privatisation de l'eau a considérablement augmenté", a déclaré à l'AFP Adèle Planchard, des Soulèvements de la Terre.

Les prélèvements d'eau destinés à l'irrigation ont plus que doublé entre 2010 et 2020 en France, pour atteindre 3,42 milliards de m3 en 2020, selon un rapport de la chambre régionale de la Cour des comptes de Nouvelle-Aquitaine publié en juillet 2023.

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