le gouvernement prévoit une réduction de 50 % d'ici à 2030 du nombre de bouteilles en plastique à usage unique mises sur le marché, pour tendre vers les 100 % en 2040.
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POLITIQUE

Consigne mixte: affrontement des lobbies et écolos sur la réserve

Professionnels du recyclage face aux industriels de la boisson, inquiétudes des élus locaux et écolos partagés : la proposition de consigne pour les bouteilles plastique s'est transformée en bataille rangée, contraignant le gouvernement à temporiser.  

Rejetée par le Sénat, cette mesure clé du projet de loi antigaspillage doit être examinée mercredi 18 décembre par l'Assemblée et sa portée risque d'être fortement réduite. Après une délicate "concertation", l'exécutif devrait laisser aux collectivités jusqu'à 2023 pour prouver qu'elles peuvent atteindre les objectifs de collecte sans en passer par la consigne, faute de quoi il "mettra en oeuvre" le dispositif.

La consigne, c'est quoi ?

Le gouvernement défend le principe d'une consigne mixte : de réemploi, surtout pour le verre, et de recyclage, pour le plastique. Pour le consommateur, cela reviendrait à payer sa bouteille légèrement plus cher puis à récupérer une dizaine ou une quinzaine de centimes en la rapportant dans une machine dédiée.

Le but ? Viser les objectifs européens d'un taux de collecte de 77 % des bouteilles plastique en 2025 et 90 % en 2029, alors que la France n'atteint pas les 60 % aujourd'hui. La consigne existe dans plusieurs pays européens, notamment en Allemagne ou en Norvège, où les performances de collecte sont meilleures.

Qui est pour ?

La consigne pour recyclage - en vue d'une refabrication - est soutenue par les géants de la boisson comme Coca Cola ou Danone. Certains, notamment au Sénat, y voient en réalité un "lobbying" pour sauver la bouteille plastique. Mais le gouvernement l'assure : ces industriels ne "soutenaient pas du tout la consigne au début" et ont "changé d'avis", face aux contraintes imposées par l'Union Européenne et aux attentes du consommateur en matière de respect de l'environnement. "Ca a été un combat rude", affirme la secrétaire d'Etat Brune Poirson.

L'exécutif s'appuie sur le rapport de Jacques Vernier, expert du secteur du recyclage missionné par le ministère de la Transition écologique. Selon lui, la consigne est la "seule solution" pour respecter les objectifs européens. Et on aurait, avec ce dispositif, un "responsable sanctionnable" si les objectifs de collecte n'étaient pas atteints, alors que les performances des collectivités sont "très inégales" et qu'il est "politiquement impossible" de sanctionner les mauvais élèves.

Qui est contre ?

Les professionnels du recyclage, qui ont des contrats avec les collectivités, sont vent debout contre la consigne, qui les priverait d'une petite partie des déchets qu'ils traitent. Au Sénat en septembre, la Fédération professionnelle des entreprises du recyclage (Federec) a sollicité l'entreprise américaine Hill+Knowlton pour une mission de lobbying, qui a elle-même confié cette tâche au cabinet P&B de Gilles Pargneaux et Dominique Bailly, respectivement anciens eurodéputé et sénateur du Nord, deux ex-socialistes passés chez LREM. "Tout le monde a pu voir Bailly et Pargneaux s'activer dans les couloirs du Sénat juste avant le débat sur le projet de loi", a confié à l'AFP une source parlementaire.

Autres adversaires, les associations d'élus comme l'AMF (Association des maires de France) ou Amorce, qui rassemble collectivités et professionnels. Les collectivités qui vendent leurs déchets aux sociétés spécialisées craignent de perdre des ressources, même si le gouvernement assure que ce ne sera pas le cas. Et le délégué général d'Amorce, Nicolas Garnier, ne "comprend pas" qu'on "remette en cause trente ans d'investissements dans le tri sélectif", en fragilisant "ce qui marche plutôt bien", alors qu'a été engagée la modernisation des centres de tri.

Qu'en pensent les écolos ?

L'ancien ministre Nicolas Hulot et la Fondation Tara Océan ont pris position pour la consigne mixte, mais d'autres ONG et militants écolos sont embarrassés. Ils critiquent le soutien des industriels comme Coca Cola et redoutent que cela incite à utiliser davantage d'emballages jetables

"On demande des garanties pour que cette consigne soit bien une solution de transition vers le réutilisable", explique l'ONG Zero WasteWWF reproche aussi au gouvernement son objectif "trop tardif" de 2040 pour mettre fin aux emballages plastique à usage unique. Pour les rassurer, le gouvernement prévoit une nouvelle étape intermédiaire, avec une réduction de 50 % d'ici à 2030 du nombre de bouteilles en plastique à usage unique mises sur le marché.

Où en est-on ?

Des réunions très tendues entre les acteurs ont eu lieu jusqu'au dernier moment. Le gouvernement va finalement soumettre mercredi un amendement qui laisse aux collectivités jusqu'en 2023 pour atteindre les objectifs. A défaut, l'exécutif "définira après concertation avec les parties prenantes" la mise en oeuvre de la consigne mixte.

En attendant, des expérimentations pourront être menées par les territoires volontaires. Un compromis qui laisse encore certains acteurs sur leur faim.

Avec AFP.

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