Idriss Aouriri, fondateur de Ecovi.
©DR/Ecovi
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Compostage en ville : quelles solutions quand on vit en appartement ?

Habiter en milieu urbain ne signifie pas qu’il est impossible de composter ses déchets alimentaires. Plusieurs solutions permettent de faciliter ce geste pour les consommateurs. Idriss Aouriri, fondateur de Ecovi, explique à ID comment son entreprise veut faciliter le compostage dans les habitations en ville.

Alors que les ordures alimentaires comptent encore pour 30% des déchets produits par les consommateurs, ceux-ci se tournent de plus en plus vers la solution du compostage afin de les transformer en terreau fertile. Cependant, les solutions de compost en milieu urbain sont encore limitées en matière de processus et d’espace. Avec ses composteurs à base de micro-organismes, l’entreprise Ecovi veut permettre aux citadins de transformer leurs déchets tout en limitant le besoin d’entretien. ID a rencontré Idriss Aouriri, ingénieur agronome et fondateur d’Ecovi, pour en apprendre davantage sur leur procédé.

Que propose Ecovi ?

Ecovi propose toute une gamme de solutions qui permettent de composter et de transformer les déchets en milieu urbain. Cela comprend notamment les déchets en cuisine pour les transformer en engrais liquide, en terreau ou en compost. Le compost est ensuite utilisé par exemple sur un toit, sur un balcon ou une terrasse.  L’idée, c’est de permettre à chacun de cultiver son compost en ville.

Quelles sont les différentes méthodes pour composter en milieu urbain ?

La principale difficulté quand on est en ville, c’est le manque d’accès aux sols. Ce qui permet de composter les déchets, ce sont les micro-organismes qui sont contenus dans le sol et qui vont digérer la matière organique petit à petit comme dans un composteur classique.

Quand on est en milieu urbain, on a accès soit à un balcon, ou bien à une terrasse ou à une cuisine. Il faut alors faire venir ces êtres vivants qui vont se charger de dégrader la matière organique, comme par exemple celle des épluchures de cuisine. Pour cela, il existe plusieurs solutions. Il y a tout d’abord celle du lombricompostage, qui consiste à introduire des lombrics dans un système de composteur à étages qui est complètement hermétique. Les différents étages subissent une forme d’entretien et de rotation pour permettre aux vers de digérer les déchets sur les différents étages. Toutefois, cette option nécessite un entretien important.

À l’inverse, le système développé par Ecovi se base sur des micro-organismes qui vont digérer la matière organique pour la faire fermenter pour en extraire un engrais liquide dans un premier temps, puis un digestat.

Est-ce une technique qui existait déjà ou bien c’est vous qui l’avez développée ?

C’est un procédé qui est inspiré du bokashi, une technique inventée au Japon dans les années 80. Cette technique utilise ces micro-organismes, que l’on appelle EM-actifs. Selon le type d’actifs, il y a besoin de 90 à 100 micro-organismes, qui vont permettre de faire digérer la matière organique pour obtenir cet engrais liquide très riche en nutriments pour les plantes. 

Notre solution se présente sous la forme d’un petit composteur hermétique de 20 litres, dans lequel on met ses déchets organiques tous les jours auquel il faut ajouter le bokashi, qui désigne du son de blé fermenté avec des micro-organismes. Lors de leur dégradation, les déchets vont libérer des nutriments sous forme liquide qui vont être récupérés par un compartiment en-dessous tous les deux à trois jours, pour ensuite l’utiliser dans l’arrosage des plantes.

Vous avez parlé de "son de blé", en quoi consiste cette technique concrètement ? 

Les micro-organismes sont tout simplement des bactéries, des champignons microscopiques qui existent dans la nature depuis bien avant l’existence des humains. Contrairement à nous qui sommes des êtres multicellulaires, les micro-organismes sont des êtres composés d’une seule cellule. Il existe des milliards d’espèces différentes dans le sol, l’air et même dans les sols gelés du permafrost ou encore dans les océans et les milieux humides.

Parmi ces espèces-là, nous avons sélectionné un certain nombre de micro-organismes qui ont la faculté à l'état naturel de digérer la matière organique, pour les placer dans un écosystème fermé. Ce sont des micro-organismes anaérobies, qui ont pour l'habitude de travailler sans oxygène. Il n’y a donc pas besoin de retourner le compost comme pour les composteurs extérieurs. Il s’agit tout simplement de retourner les déchets, d’introduire ces organismes anaérobies et de les laisser effectuer le travail.

Il faut pourtant avoir des réserves en permanence de ces micro-organismes ?

En effet. Cependant, une fois que l’on dépose ces micro-organismes dans les déchets, ils vont se multiplier et se nourrir de la matière organique, comme toute forme de vie. Il faut simplement en ajouter régulièrement pour faire en sorte que cette population soit toujours dominante par rapport à la population de micro-organismes naturellement présente sur les déchets. Nous préconisons simplement d’en ajouter un peu avec chaque déchet déposé. La régularité est plus importante que la quantité.

Ce que nous proposons, c’est une solution qui va permettre de pré-composter"

D’ici quelques années, les composteurs collectifs devraient se multiplier en ville. Quel est votre parti-pris par rapport à cette évolution ?

L’arrivée du compostage collectif, notamment ceux aux pieds des immeubles, apporte une solution. Il y a déjà des collectivités qui les ont mis en place. Notre solution est complémentaire, pour la simple et bonne raison que les biodéchets nécessitent actuellement des "bio-seaux", des petites poubelles dans lesquelles on va mettre les déchets pour ensuite les descendre dans les composteurs collectifs.

Ce que nous proposons, c’est une solution qui va permettre de pré-composter. Notre procédé permet d’extraire l’engrais liquide, mais il reste de la matière organique fermentée, que l’on appelle le digestat. Celui-ci peut être déversé dans le composteur collectif, pour accélérer le compostage à l'extérieur grâce aux micro-organismes qui se sont déjà multipliées. Notre proposition permet également de prolonger le temps de stockage chez l’habitant : au lieu d’avoir un petit seau de 3 à 7 litres qui va devoir être descendu tous les 3-4 jours, un composteur à fermentation permet de garder ses déchets presque un mois avant de les jeter dans le composteur collectif.

Et que peut-on faire de ce digestat quand on n’a pas de composteur collectif ?

Dans cette situation, nous proposons tout d’abord un sac de maturation. Il s'agit d'un sac dans lequel vous allez verser votre digestat ainsi que la vieille terre de vos pots et jardinières avant de laisser faire la nature. Une fois que le digestat entre en contact avec la terre et les micro-organismes qui y sont présents, le tout va se transformer en terreau au bout de 3 à 4 mois.

La deuxième solution que nous proposons, c’et le composteur rotatif hors sol. Il s'agit d'une cuve rotative de 190 litres dans laquelle on peut vider son composteur d’extérieur pour y incorporer la vieille terre des pots et jardinières. Il faut ensuite exercer une rotation tous les 2 à 3 jours sur le bac pour aérer le tout et produire un terreau au bout de quelques mois.

Les consommateurs sont de plus en plus attentifs à leur bilan environnemental, pourtant le compostage reste encore une originalité en ville. Comment peut-on accélérer la mise en place de solutions de compostage dans les foyers ?

Le compostage reste encore marginal dans les villes pour la simple et bonne raison qu’il est nécessaire d’avoir un débouché à compost une fois qu’il est produit. Dans les campagnes ou zones périurbaines, le compost peut être utilisé dans les jardins ou par les maraichers pour leur sol.

Ce sont des décisions de terrain qui vont permettre collectivement d'améliorer et de favoriser le compostage."

En ville, le concept est plus compliqué car tout le monde n’a pas un espace pour pouvoir cultiver. L’une des solutions reste les potagers collectifs en pied d’immeuble ou encore sur les toits et les terrasses. Toutes ces solutions-là vont permettre de créer un débouché pour le compostage urbain.

Des villes comme celles de Paris ont ouvert plusieurs espaces pour créer des espaces potagers sur les toits. Mais ça peut également être tout simplement une initiative d’habitants d’une copropriété qui décident d’exploiter un terrain abandonné. Ce sont des décisions de terrain qui vont permettre collectivement d'améliorer et de favoriser le compostage. Les collectivités aussi doivent impulser ces mouvements-là, avec par exemple des fonds attribués à ce genre de d'initiatives.

Une interview réalisée en partenariat avec France Inter. Écoutez la chronique Social Lab ici.

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