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CHRONIQUE JURIDIQUE

Les invendus, vers la fin du gaspillage ?

Le 14 janvier dernier, la secrétaire d’État à la Transition écologique, Madame Brune Poirson, a manifesté sa désapprobation dans ce qui pourrait constituer la politique d’Amazon concernant ses invendus. Si cette pratique n’est pas encore illégale, elle pourrait bien le devenir.

En matière de réglementation des invendus, les produits alimentaires se détachent du reste des biens de consommation. En effet, des réglementations existent pour limiter autant que faire se peut le gaspillage alimentaire de la part des grosses industries. Ainsi, la loi du 11 février 2016 sur le gaspillage alimentaire a imposé aux distributeurs de donner les invendus à des associations reconnues par l’État qui en font la demande. En cas de refus, le réfractaire peut se voir mis à l’amende à hauteur de 3 750 euros.

Cette loi a depuis été confortée par le Paquet Économie Circulaire européen de 2018, comprenant quatre directives visant à réduire le gaspillage alimentaire au sein de l’Union Européenne. L’objectif fixé est une réduction de 30 % du volume d’invendus détruits d’ici 2025 et de 50 % d’ici 2030.

Ce dernier chiffre correspond à l’objectif "Faim Zéro" fixé par les Nations Unies. La France est par conséquent tenue de continuer à développer des moyens de réduire le gaspillage alimentaire, alors qu’elle est actuellement une pionnière en Europe au regard de la loi de 2016 précitée.

Les autres industries

Les invendus pour les industries autres qu’alimentaires ne sont eux pas réglementés. Une directive européenne du Paquet Économie Circulaire susmentionnée précise bien que les déchets pouvant être recyclés ou utilisés ne pourront plus être acceptés en décharge d’ici l’année 2030. Cependant, rien n’oblige à la réutilisation du produit ou à une interdiction de jeter avant une certaine date dans le texte européen. Ce sont près de 195 000 tonnes de vêtements invendus qui sont récupérés par la filière de valorisation chaque année, selon l’organisme ECO TLC, sur les 600 000 tonnes mises en vente chaque année en France.

Pour autant, rien n’oblige les distributeurs à mettre en place un circuit de récupération des invendus comme les produits alimentaires. Certains distributeurs comme Zara envoient leurs invendus dans des magasins de déstockage ou des friperies. Cela ne relève pas d’une obligation légale mais plutôt d’une mesure intégrée dans la politique de la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE).

Les scandales Celio et Amazon

Les quelques scandales qui ont émaillé l’actualité, comme celui du magasin Celio de Rouen dont les vêtements considérés comme "impropres à la vente" étaient lacérés et jetés, relèvent d’avantage du volet médiatique que du cadre juridique. L’affaire Amazon qui a conduit la Secrétaire d’État à s’exprimer et à annoncer des mesures fortes, répond à une pratique qui, si elle se confirmait, relèverait davantage de l’immoralité que de l’illégalité.

Pour remédier à cela, la loi en préparation*, soutenue par le Mouvement Emmaüs, entend interdire la destruction des invendus en masse. Les acteurs du marché de la distribution du textile devront écouler leurs invendus sans les détruire et s’engager dans des cycles de recyclages pour les produits rendus impropres à la vente. En cas de non-respect de cette disposition, une forte amende pourrait être encourue. Guillaume Simonin, directeur des affaires économiques de l’Alliance du commerce, évoque la somme de quatre-cent cinquante euros d’amende par vêtement détruit.

Cette mesure n’est toutefois pas sans faille. Les entreprises seront pénalisées des destructions opérées sur le territoire français. En revanche, les produits sont écoulés en dehors du sol français, les entreprises ne sauront être inquiétées par les autorités françaises. Cela pose ainsi le risque d’une délocalisation des zones de destruction des vêtements dans des pays ne disposant pas de législation en matière d’invendus. Le problème ne serait que déplacé et la question de la pollution du fait de la destruction d’invendus toujours d’actualité.

Vers un cadre global et coercitif ?

De plus, les mesures relatives à l’interdiction de la destruction des invendus du projet de loi pour l'Économie circulaire ne concernent pas l’ensemble des biens non alimentaires. L’article 5 du projet de loi ne limite l’interdiction qu’à la filière textile. Les biens technologiques ont un régime différent. L’article 2 du projet de loi prévoit que les revendeurs devront proposer aux consommateurs des pièces issues de l’économie circulaire. Cependant, aucune sanction n’est associée à un éventuel manquement. Il reste ainsi à savoir si le projet va évoluer en mettant en oeuvre un cadre global et coercitif concernant le recyclage et les invendus, ou s’il restera un projet spécialisé mais incomplet en matière de lutte contre le gaspillage.

Me Arnaud TOUATI

Avocat Associé - Barreau de Paris et Luxembourg

et Sacha Gaillard

HASHTAG Avocats


*Loi prochainement en discussion au Parlement, issue de la Feuille de route économie circulaire (FREC) – Ministère de la Transition écologique et solidaire

Commentaires
Par Laurent Coste - le 02/04/2019

Pour éviter à un distributeur de proposer des produits qui finiront en surplus de stocks, ce qui est proposé dans les rayons doit s'ajuster à la consommation réelle
de ses clients.
Avant l'atteinte de ce point d'équilibre, les solutions :
- pour un distributeur de proposer ses surplus de stock,
- pour un consommateur de partager ce qu'il a dans ses placards et frigo mais qu'il ne mangera pas,
=> Des solutions existent.
Dans ce contexte, la plate-forme Pagachey, ouverte aux professionnels comme aux particuliers, permet de réduire efficacement le gaspillage alimentaire, de façon pratique et concrète.
Accessible sur https://www.pagachey.com, l'outil se veut simple d'utilisation,
et accessible dans toute la France en se basant sur un concept simple :
Partager à son voisinage ce que l'on ne consommera pas soi-même.

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