Traitement des plantes: Bayer joue la transparence avant la fusion avec Monsanto

Dans sa cage de verre, un robot pulvérise sur des plantes en godet un fongicide à l'essai: engagé dans une délicate fusion avec un Monsanto honni des écologistes, Bayer ouvre les portes de son laboratoire de Lyon pour attester de la priorité donnée à la sécurité et l'environnement.

"90% des dépenses nécessaires à la mise au point d'une nouvelle molécule sont générées par les études de toxicité" pour l'homme ou l'environnement, souligne Rachel Rama, directrice du centre de recherche de La Dargoire.

Cette unité, aux pavillons étagés à flanc de coteau, dans un environnement bucolique avec son relais de poste classé du 17e siècle, fête vendredi son cinquantième anniversaire.

Lointaine héritière des installations de recherche agronomique de Rhône-Poulenc, elle a été replacée à la pointe des technologies au prix de 49,5 millions d'investissements sur les dix dernières années. Sept millions sont encore prévus pour l'an prochain.

Parmi les 13 centres de recherche du groupe allemand dans le monde, La Dargoire est le seul spécialisé dans la lutte contre les moisissures et champignons, à l'origine de 80% des maladies des plantes, comme la rouille, le mildiou, la pourriture grise ou l'oïdium.

La découverte d'un nouveau fongicide s'assimile à la recherche d'une aiguille dans une botte de foin: chaque année, le centre teste 30.000 nouvelles molécules. En moyenne, il faudra en passer au crible 159.000 avant d'arriver à un produit commercialisable!

D'où un coût de la recherche qui s'envole: 286 millions pour mettre au point une nouvelle molécule, le double d'il y a quinze ans, en raison de l'accroissement des impératifs de sécurité. La dernière molécule découverte par Bayer Lyon, le fluopyram, a été mise sur le marché en 2012. La prochaine, l'isoflucypram (un fongicide pour les céréales), le sera en 2022.

"Voilà pourquoi il y a peu d'acteurs sur le marché et des concentrations", explique le Dr Rama, en référence non seulement à l'opération avec Monsanto, mais aussi à la fusion DuPont/Dow Chemical et à l'absorption de Syngenta par ChemChina.

Et s'il faut cesser de commercialiser un traitement, notamment pour des raisons environnementales, "on ne peut pas le remplacer du jour au lendemain", met-elle en garde, en plein débat sur l'interdiction de l'herbicide glyphosate inventé par Monsanto.

Fin octobre, Bayer s'est vu retirer l'autorisation de commercialiser son Basta, la encore un herbicide, en raison des risques qu'il pourrait présenter pour la santé humaine.

- Robotisation -

Les importants investissements consentis à Lyon ont permis une robotisation poussée qui a supprimé les tâches répétitives "de jardinage" et laisse 175 chercheurs (dont une quarantaine de doctorants) se consacrer pleinement à la science.

Après pulvérisation du traitement, la plante est mise au contact de champignons et observée pendant un mois pour documenter son évolution.

Faute de connaître la toxicité des molécules testées, tous les essais se font en milieu confiné, dans de grandes armoires de verre. "J'ai connu l'époque où le technicien était encore en scaphandre", se remémore Marie-Pascale Latorse, une des chercheuses du centre.

La robotisation permet aussi de produire toujours plus de nouvelles molécules à tester. "Un chimiste traditionnel en fabrique une par jour, soit environ 200 par an. On va donc s'aider de robots capables d'en synthétiser 100 à la fois", explique Philippe Méresse, responsable des relations externes.

Le centre élabore aussi la fiche d'utilisation des nouveaux traitements, en déterminant notamment la date du dernier épandage avant récolte pour que la concentration résiduelle du produit chimique dans le végétal soit inférieure à la limite légale.

Pour cela, Bayer utilise des équipements de pointe - matériel de chromatographie liquide et spectromètres de masse - pour tester les végétaux traités en plein champ. "Le dernier né de ces appareils vaut 450.000 euros. On en a sept", s'enorgueillit Dominique Rosati, du laboratoire d'analyse de résidus du centre.

Soucieux de s'ouvrir, le site de La Dargoire va prochainement inaugurer un "centre d'innovation" de 520 mètres carrés, comprenant des salles d'accueil et de réception, un incubateur de startups et un espace de travail partagé.

Il va aussi mettre en ligne d'ici la fin de l'année ses études sur la sécurité de nombreuses matières actives. "Il faut à tout prix être transparent", insiste le Dr Rama.

fga/ppy/nas

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