Mouvement de fronde dans la gestion de l'eau en Ile-de-France

Les esprits s'échauffent sur la gestion de l'eau potable en Ile-de-France: des collectivités remettent en cause la délégation accordée au groupe Veolia depuis près de 100 ans, sur fond de critiques de la gouvernance du Syndicat des eaux d'Ile-de-France (Sedif).

Une vingtaine de municipalités d'Ile-de-France, réunies au sein de trois Etablissements publics territoriaux (Est Ensemble, Plaine Commune et Grand Orly Seine Bièvre) doivent entériner mardi, lors de leurs conseils de territoire, leur non-réadhésion formelle au Sedif qui gère l'eau potable de plus de quatre millions de franciliens.

"On partage la volonté de dire que l'eau est un bien universel qui mérite d'être géré dans une véritable transparence avec une participation citoyenne", expliquait lors d'une conférence de presse Gérard Cosme, président d'Est Ensemble (Bagnolet, Montreuil, Bobigny, etc.).

Dans ces municipalités, la contestation de la délégation au privé de la gestion de l'eau n'est pas nouvelle. Déjà, le dernier renouvellement du contrat de Veolia en 2010 avait été agité.

Mais la loi Notre sur l'organisation territoriale a ouvert une brèche. En créant les Etablissements publics territoriaux (EPT) pour remplacer les intercommunalités, elle a rendu nécessaire à ces EPT de se prononcer sur leur adhésion au Sedif avant la fin 2017.

Pour huit d'entre eux, cela a été une formalité, mais les trois autres, qui totalisent environ 1,4 million d'habitants, ont décidé de mettre la pression sur le syndicat.

Depuis six mois, des élus, surtout de gauche, ont lancé la mobilisation, avec le soutien d'associations comme la Coordination Eau Ile-de-France, opposée à l'intervention du secteur privé dans la gestion de l'eau.

Outre la défense d'une gestion publique, les critiques sont fortes contre la gouvernance du Sedif, présidé depuis 1983 par le maire d'Issy-les-Moulineaux, André Santini.

"La question posée est aussi le contrôle politique des syndicats des eaux", affirme Patrick Braouezec, président de Plaine Commune (Aubervilliers, Saint-Denis, La Courneuve, etc.).

Alors que le Sedif est dirigé par les élus, "à force de déléguer (les compétences) il n'y a plus personne pour contrôler que Veolia fait bien le travail", pointe Jacques Perreux, élu écologiste du Grand Orly.

- Deux ans pour réfléchir -

Sortir brutalement du Sedif aurait toutefois impliqué des investissements massifs pour aménager les infrastructures d'eau potable. Les trois EPT ont donc choisi une option plus douce, d'autant que 12 de leurs communes, notamment celles dirigées par des élus LR et UDI mais aussi La Courneuve où le maire est communiste, souhaitent rester au Sedif.

Les trois conseils territoriaux devraient valider mardi une convention signée avec le Sedif qui leur donne deux ans pour réfléchir à une autre gestion de l'eau et éventuellement réadhérer à l'issue de cette période.

Le contrat avec Veolia, qui court jusqu'en 2022, continue aussi de s'appliquer et le service de l'eau sera maintenu.

Les trois territoires ont par ailleurs décidé de lancer des études pour évaluer la viabilité et les conséquences financières et techniques d'une sortie du Sedif et d'un retour en régie, objectif affiché par plusieurs élus, notamment écologistes et de la France insoumise.

Des échanges ont eu lieu avec la ville de Paris, repassée en régie en 2010. "Nous avons répondu à des demandes" de renseignements des EPT, sur la vente d'eau produite par la régie ou des partenariats en cas de basculement en régie de certaines collectivités, explique Benjamin Gestin, directeur général d'Eau de Paris.

De son côté, Veolia, société héritière de la plus que centenaire Compagnie générale des Eaux, affirme que "toutes les études déjà faites ont montré que sortir du Sedif ce n'est pas rentable", mais le groupe ne veut pas commenter la décision des EPT sur leur adhésion au Sedif, "une prérogative de ces collectivités".

Un argument repris par M. Santini, pour qui une sortie du Sedif aurait des coûts "considérables" qui se "traduiraient pas des augmentations significatives du prix de l'eau".

Il plaide même pour la constitution d'un "Grand Paris de l'eau", dans lequel le Sedif détiendrait un rôle prépondérant.

André "Santini essaye de nous doubler par le haut en créant quelque chose d'encore plus gros que le Sedif", s'insurge Jacques Perreux.

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