Environnement

Neutralité carbone : Londres y parviendra-t-elle avant Paris ?

En pratiquant une politique très dure contre les véhicules polluants, la ville de Londres est peut-être en train de prendre Paris de vitesse dans l'ambition de devenir une ville zéro émission d'ici 2050.

Alors qu'Anne Hidalgo se bat pour imposer le tram-bus électrique et la restriction de la circulation parisienne, Sadiq Khan, son homologue à la tête de Londres, a eu un geste radical. Mi-octobre, il a instauré une taxe de 10 livres (11,27 euros) pour les véhicules polluants qui souhaitent traverser le cœur de la capitale. Cette taxe, appelée T-Charge (Toxicity charge), s'applique les jours de la semaine de 7 heures à 18 heures. Évidemment, la mesure ne plaît pas à tout le monde. « C’est vraiment ridicule !, exulte Hussein, Londonien, au sortir de sa voiture dans le quartier de Harringey, au nord de la ville. On paye déjà une taxe pour traverser le centre, je ne sais pas d'où vient cet extra, à quoi ça sert ! C'est comme dans les dictatures, ce qu'ils veulent, ils le mettent en place sans demander notre avis. » Et en effet, la Capitale britannique n'en est pas à sa première tentative en matière de lutte anti-pollution. Quatorze ans auparavant déjà, en 2003, le maire Ken Livingstone avait instauré une première taxe contre la congestion du trafic. A hauteur de 11 livres 50 (13 euros), elle s'applique en semaine à toutes les voitures qui traversent les districts les plus centraux, qui s'étalent entre Soho, le quartier de Big Ben et la City.

Décourager les automobilistes

Les conducteurs qui devront payer la T-Charge se soumettent aussi à cette première taxe. La mairie ne s'en cache pas, l'objectif est bien de décourager les automobilistes. « Londres pratique aujourd'hui le standard d'émission le plus restrictif au monde en faisant payer 21,50 livres par jour les conducteurs des véhicules les plus polluants », se réjouissait Sadiq Khan le jour de l’application de la taxe. Malgré le caractère prohibitif de cette mesure, la majorité des Londoniens, fidèles au pragmatisme national, ont accepté le principe. « La pollution qui vient des voitures est à hauteur des enfants, reconnaît Joseppe, un habitant de Wood Green, sa petite fille dans les bras. Nous devons réduire les émissions sinon il n'y aura pas de bel avenir pour eux. »

La capitale britannique est-elle donc en train de prendre Paris de vitesse dans la course contre la pollution ? « Il n'y a pas de solution idéale, chaque ville essaie de trouver des idées, tempère Charlotte Songeur, ingénieur au service communication d'Airparif. Depuis juillet 2017, Paris a mis en place une zone à circulation restreinte (ZCR). Il s'agit de la deuxième étape de ses mesures sur le trafic, qui fonctionne avec des vignettes de 1 à 5 selon le taux d'émission des voitures. Par exemple, les plus polluantes, au numéro 5 et les non catégorisées, ne peuvent pas circuler entre 8 heures et 20 heures en semaine. Cela impose des limitations tout en étant moins arbitraire que la distinction entre plaques d'immatriculation paires ou impaires. »

Des citoyens coopératifs

Le système parisien interdit donc les véhicules les plus polluants, alors que Londres se contente de faire payer ses automobilistes. Les « pollueurs payeurs » continueront à rouler sans se faire inquiéter. Quel modèle est le plus efficace ? En matière de prévision, Paris estime que sa mesure réduira de 3 % la circulation des véhicules les plus polluants, entraînant une diminution de particules fines appréciables : - 15 % de NOx, - 8 % de PM10 et – 11 % de PM2.5. Outre-Manche, la T-charge n'est qu'un tremplin vers l'établissement d'une zone d'émission ultra-basse qui devrait être opérationnelle à partir du 8 avril 2019 au centre de Londres. 60 000 véhicules par jour seraient alors concernés par des restrictions. Le niveau de NOx devrait être réduit de 20 %. A l'horizon 2050, le maire ambitionne de bâtir un plan pour une ville à zéro émission. « Nous sommes encouragés par le fait que les habitants semblent tenir compte de ces initiatives et trouver de nouvelles façons plus eco-friendly de se déplacer », constate Gareth Power, le directeur de la stratégie de Transport of London. Cela dit, l'ambition est la même pour Paris. Fin 2016, un rapport avait été remis à la ville concernant la faisabilité d'un tel objectif. Conclusion : 2050, c'est possible, à condition de réduire de 80 % les émissions par rapport au taux de 2004… Reste à voir laquelle des deux villes réussira le pari en premier.

L'air londonien, un vrai cas de santé publique

Une étude du King's College publiée en 2015 révèle que les particules fines (PM2.5 et NO2) ont provoqué 9 400 morts prématurées en 2010. Selon la mairie de Londres, la pollution de l'air affecterait aussi le cours de la vie des habitants, en entraînant la formation de poumons plus petits pour les enfants par exemple, ou en accroissant le risque de démence pour les plus âgés.

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