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Environnement

Le chanvre comme alternative écologique

En Bourgogne, dans les décombres d’une cimenterie, une petite entreprise met en valeur une culture peu répandue : le chanvre. Fabrication zéro déchet et produits écologiques, bienvenue chez Géochanvre !

À Lézinnes, dans l’Yonne, les fours de la cimenterie Lafarge sont éteints depuis 2011. Dans d’immenses hangars de béton, cathédrales à la charpente métallique, quelques travailleurs empilent des ballots de paille de chanvre. Sur les murs, la poussière de ciment témoigne des jours passés. Les cheminées des fours crachaient autrefois des particules qui ont recouvert l’usine d’une épaisse croûte grise.

Aujourd’hui, presque tout va être démoli. Presque : Géochanvre, entreprise écologique, a trouvé refuge dans les vestiges du haut lieu de l’industrie bourguignonne. Une chaîne de montage unique, bricolée avec des machines d’occasion, transforme de la fibre de chanvre en couvre-sol biodégradable destiné à l’agriculture, aux espaces verts et aux jardins. Que s’est-il passé d’un bout à l’autre de la chaîne ? Secret de fabrication. Seuls deux ingrédients sont nécessaires : le chanvre et l’eau. Une eau qui sera récupérée, pour une fabrication zéro déchet.

Exit le plastique

Frédéric Roure, directeur de Géochanvre, lance sa start-up en 2014. L’idée lui est venue quelques années plus tôt. Il travaillait alors dans une coopérative de transformation des légumes, avec d’anciens détenus en voie de réinsertion. Sensible aux questions environnementales, il regrette que le maraîchage ne puisse se passer de bâches plastiques. Utilisées pour couvrir la terre et empêcher la repousse des mauvaises herbes, les bâches laissent des morceaux de plastique derrière elles. Y compris en agriculture biologique, où elles sont très répandues pour éviter l’utilisation d’herbicides. Au total, l’agriculture française consomme environ 75 000 tonnes de plastique par an, dont seuls 60 % sont collectés pour être recyclés.

Les bâches biodégradables en chanvre remplacent les bâches plastiques.
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Sandrine Boudier, assistante ventes et communication chez Géochanvre explique que les plastiques constituent une menace écologique à ne pas négliger. L’entreprise propose donc de les remplacer par un produit biodégradable, mais aussi 100 % français. Pas question d’importer des fibres végétales étrangères qui, au-delà de leur empreinte carbone, posent d’autres problèmes : « Avec mon entreprise de génie écologique, on utilisait des kilomètres carrés de géotextile en coco (la fibre végétale qui entoure les noix de coco, nldr). Le problème, c’est que cette fibre provient de palmiers qui poussent sur le sable et dont la fibre est très salée, ce qui n’est pas bon pour nos sols », explique Frédéric Roure.

Le chanvre, traditionnel et sans pesticide

« Le chanvre est à la fois traditionnel et ultramoderne », se félicite Frédéric Roure. Traditionnel, car la France l’a longtemps cultivé dans des filières d’excellence. En 1492, Christophe Colomb prépare une expédition pour découvrir le nouveau monde. Il cherche alors pour ses navires des cordages à l’épreuve des tempêtes. Le navigateur se tourne vers les meilleurs fabricants de l’époque : les corderies royales françaises, qui travaillent la fibre de chanvre.

La filière a laissé quelques traces ici et là, comme l’a remarqué le directeur de Géochanvre : « J’ai toujours été curieux des métiers de l’agriculture. Quand je voyais une rue des Chanvriers quelque part, je me posais la question : qu’est-ce que c’est que ce métier ? Je me suis aperçu qu’on avait perdu les cultures du passé, des centaines d’années de savoir-faire. Savez-vous ce qu’on teintait dans les rues des Teinturiers ? Des étoffes de chanvre ! »

Pour commencer, Frédéric Roure s’essaie au chanvre sur cinq hectares d’anciennes terres viticoles. Au départ, la culture surprend : la police débarque de temps en temps pour vérifier qu’il s’agit bien de chanvre industriel, et non de cannabis, plante de la même famille qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau.

Aujourd’hui, plus de 60 % du chanvre industriel français est produit dans l’Aube, où la coopérative La chanvrière est implantée depuis 1973. La culture possède un avantage de taille : elle ne nécessite aucun pesticide. Les plants poussent si vite que les mauvaises herbes n’ont pas le temps de les concurrencer. De plus, ils résistent aux insectes et aux maladies. Au final, le chanvre génère de meilleures marges que d’autres céréales comme le colza ou l’orge, qui nécessitent des traitements. Thomas Perdu, agriculteur de l’Yonne, en cultive depuis ses débuts. Il y voit une alternative d’avenir : « La coopérative a besoin de plus en plus de chanvre. On envisage d’augmenter encore notre surface de culture. »