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L’Hermitage, le rêve de créer le plus grand espace éco-citoyen de France

Dans un paysage vallonné de Picardie, près du village d’Autrêches, une vaste propriété chargée d’Histoire attend sa renaissance : le domaine de l’Hermitage est à vendre. Un collectif de citoyens engagés se mobilise depuis un an pour le faire vivre et le racheter. Leur projet : le transformer en grand laboratoire de la transition écologique et solidaire.

Avec ses 30 hectares, des bois et des terres cultivables, 24 bâtiments, des capacités d’hébergement, l’Hermitage offre un large champ des possibles. Les valeurs de solidarité sont déjà imprégnées dans les murs de cette ancienne ferme de l’Oise. Pendant 50 ans, elle a été le siège d’une ONG de développement[1] et une maison médicale, servant aussi de lieu de résidence. « Quand on a été informés de la cessation, on s’est réuni à plusieurs pour réfléchir à comment éviter de gâcher ce potentiel intéressant », raconte Claire Karinthi, chargée des activités d’accueil à l’Hermitage et cadre dans le secteur médico-social au quotidien. « On voulait tester si on était juste des utopistes, ou si d’autres partageraient la même intuition, en venant visiter. Fin 2016, on s’est donc lancé dans la constitution d’un collectif ».

Ses membres sont ingénieurs, scientifiques, agriculteurs, travailleurs sociaux, artistes, entre autres. Quelques uns ont vécu ici durant leur enfance, d’autres habitent dans les environs, et nombre d’entre eux n’ont aucune attache locale, mais croient profondément au projet. L’Hermitage ouvre ses portes aux citoyens et entrepreneurs qui souhaitent expérimenter autour de quatre grands enjeux sociétaux : le « vivre ensemble », l’agro-écologie, les nouvelles technologies et la transition énergétique. Différents types d’activités sont prévus : visites et séjours thématiques, ateliers grand public, formations professionnelles, événements d’entreprise…

1 220 contributeurs au financement participatif

Le concept semble soulever l’enthousiasme. Une campagne de financement participatif sur Ulule a permis de récolter plus de 100 000 € pour faire fonctionner le lieu une année, dans un premier temps, avant de pouvoir le racheter. En mai 2017, près de 600 curieux s’étaient rendus à la journée de lancement. Ce dimanche 15 octobre, une centaine de personnes participe à la table ouverte, organisée à l’Hermitage. « On a réussi le premier pari : fédérer une véritable communauté et être capable, en accord avec le propriétaire, d’occuper le lieu un an, pendant la préfiguration du projet. Maintenant, il faut entrer dans le concret », explique Blaise Gonda,  chargé de stratégie de l’Hermitage et économiste dans la vie.

Les activités ont démarré cet été, avec des séminaires organisés par différentes structures : la startup de cartographie JawgMaps, le créateur de services publics numériques Beta.gouv et Eau Vive Internationale, ONG de solidarité qui améliore les conditions de vie en Afrique. Pour animer cette communauté grandissante autour de l’Hermitage, Jean Karinthi, directeur de maisons d’associations pour la Ville de Paris, a une solide expérience du secteur associatif. Cofondateur de SOS Méditerranée, il était chargé de mobilisation du grand public pour cette ONG humanitaire de sauvetage en mer. Aujourd’hui, c’est avec conviction qu’il fait découvrir la propriété aux visiteurs.

Du coworking au hacking

L'Hermitage abrite notamment un atelier de fabrication de meubles de récup.
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« Dans ce bâtiment, on envisage un espace de coworking ou un fablab. Pour le hangar, on a plusieurs projets : un garage solidaire, des ateliers en ébénisterie, en mécatronique, un laboratoire de hacking de véhicules automobiles et de machines agricoles ». Ce futur « pôle nouvelles technologies » est porté par Gaël Musquet, météorologue. S’il est absent aujourd’hui, c’est qu’il est très sollicité, y compris par l’État. Cet « haktiviste » reconnu œuvre à la libération des données en même temps qu’à la cybersécurité. Spécialiste des outils numériques adaptés aux phénomènes climatiques extrêmes, il a fondé l’association HAND. C’est aussi le porte-parole d’OpenStreetMap France, une plateforme de cartographie collaborative en libre accès.

Energie bas carbone et agro-écologie

Le projet de « pôle transition énergétique » est porté par Matthieu Karinthi. Cet ingénieur travaux est le seul à pouvoir s’investir à temps plein, pour le moment. Avec des étudiants de l’Université de technologie de Compiègne (UTC), ils travaillent à la construction d'une maquette numérique de l'ensemble des bâtiments. « Le but, à terme, est d’avoir un ensemble bas carbone, autant que possible ». Différentes méthodes d’éco-rénovation devraient être expérimentées, avec notamment Acroterre, une entreprise de construction en bois écologique.

L’Hermitage se veut aussi un lieu de pratiques autour de l’alimentation durable. « On envisage de faire de la permaculture, une démarche qui vise à trouver un équilibre entre les humains, les animaux et la terre, en utilisant le minimum d’énergie et de matériel », décrit Arnaud Vens, ingénieur mobilisé sur le projet de « pôle agro-écologie », encore loin d’être concrétisé.

Plusieurs conditions doivent encore être réunies. Le collectif a créé une société civile immobilière (SCI) pour monter un groupe de sociétaires et cherche des investisseurs pour racheter la propriété. Une campagne sera bientôt lancée sur Lita, plateforme d’actionnariat participatif responsable, qui permet d’investir uniquement dans des entreprises porteuses d’innovations sociales et/ou environnementales. Le rêve pourrait bientôt devenir réalité…


[1] Le CIDR, Centre international de développement et de recherche.