Inaugurée en juin dernier, la Station E est ouverte jusqu'au 25 octobre.
©Station E
Culture

Station E à Montreuil : un lieu de fête et d'expérimentation alimenté aux énergies renouvelables

Projet porté par l’association Atelier 21, la Station E est une friche urbaine située à Montreuil, sorte de micro-village autonome où concerts, spectacles et expositions se marient aux sciences participatives et même à la cuisine solaire. ID a souhaité en savoir plus sur ce lieu insolite.  

Prêts à vivre une soirée électro solaire à Montreuil ? Chaque semaine, du jeudi au dimanche, une véritable "expérience énergétique et collective" attend le public de la Station E. Ce lieu éphémère a été inauguré en juin dernier, après avoir remporté un appel à projets lancé par Est Ensemble, établissement public territorial du Grand Paris. Il restera ouvert jusqu'au 25 octobre. Quels travaux ont mené à la création de cet espace et comment celui-ci a-t-il été pensé ? C'est ce qu'ID a demandé à Cédric Carles, directeur du laboratoire d'utilité publique l'Atelier 21.

Pouvez-vous tout d'abord nous parler de l'Atelier 21, qui porte le projet de la Station E ?

Je travaille à titre personnel depuis une vingtaine d'années sur les questions liées à la transition énergétique en tant que designer. J'essaie de vulgariser et de trouver des solutions collaboratives. L'antécédent de l'Atelier 21, ça a été des travaux d'éducation à l'énergie en Suisse, notamment avec la création de l'Atelier2cé, mon studio de design là-bas. On travaillait sur des blousons solaires, des projets de tables écologiques, des aménagements écologiques pour les collectivités... J'ai ensuite ouvert une antenne parisienne, car je suis Franco-suisse. Cela a été l'occasion de travailler sur des sujets français comme la précarité énergétique, les smart grid (ndlr : réseaux électriques intelligents)...

Quels programmes de recherche l'Atelier 21 a-t-il développés avant d'imaginer le projet de la Station E ?

Après 15 à 20 ans d'éducation à l'énergie, de recherches sur le système de vulgarisation, de veilles technologiques, on a bien constaté qu'il y avait un immense manque dans les premiers brevets historiquement déposés, parfois sous-estimés, trop en avance sur leur temps, trop chers pour leur époque, ou mis de côté car trop en concurrence avec une énergie déjà disponible et bon marché... On s'est dit qu'il fallait absolument créer une base de données exhaustive sur l'histoire des inventions énergétiques, parce que j'ai remarqué que beaucoup d'inventions étaient reconçues par des étudiants : c'est vraiment dommage de perdre son temps avec des choses qui ont déjà existé. On utilise l'intelligence digitale avec le crowdsourcing : ce programme de recherche citoyen et participatif, Paléo-énergétique, constitue des pistes de travail pour ceux qui œuvrent dans ce domaine. Nous bénéficions d'une forme de reconnaissance aujourd'hui, du MIT au Financial Times, en passant par Bertrand Picard, qui signe la préface de notre ouvrage qui sort en septembre (ndlr : Rétrofutur, qui répertorie notamment quatre ans de recherche collaborative dans le cadre du programme paleo-energetique.org).

Cela vaut le coup de passer en revue tous ces brevets. Le problème, aujourd'hui, quand on dépose un brevet, (...) c'est que le système n'est pas assez rapide pour la transition énergétique et pour les enjeux auxquels on doit faire face très vite. Ce que l'on dit, c'est qu'il faut réfléchir à des modèles tels que l'open source ou les creative commons ou des formes médianes : c'est-à-dire que "je dépose une forme de brevet que je peux partager sans utilisation commerciale". On a par exemple identifié un brevet qui permet de régénérer des piles alcalines à usage unique. C'est aussi un de nos gros projets, ça s'appelle RegenBox*. 

Pourquoi avoir décidé, à travers ces programmes, de créer la friche urbaine et festive "Station E" ?

Nous voulions avoir un lieu de fête avec un SoundSystem autonome en énergie (ndlr : "module de sonorisation fonctionnant à l'énergie solaire et à l'énergie des pédalages" : Atelier 21 dispose d'antennes avec ces SolarSoundSystem à Biarritz, Berlin, Hong-Kong, Lausanne, Paris, Tel-Aviv). Celui-ci finance nos programmes de recherches, donc Paléo énergétique et Regen Box entre autres. Cela nous permet d'être fixes pour accueillir régulièrement un public et animer une communauté de bénévoles qui nous soutient. Nous avons aussi une web radio, alimentée à l'énergie solaire, avec des mix qui viennent de toutes les antennes (Tel-Aviv, Hong Kong...). Plus globalement à travers ce projet, on a un travail de curateur, on sélectionne ce que l'on dit et comment on le dit. Le but, c'est d'apprendre en s'amusant, en sentant qu'on va soi-même prendre quelque chose de cela.

©Station E

Que peut-on justement découvrir et apprendre dans ce lieu éphémère ?

Il y a en permanence une exposition sur le programme Paléo énergétique : les gens découvrent toutes les inventions sur une frise de 10 mètres de long. Vous avez un stand Regen Box où vous pouvez ramener vos piles et ressortir avec des piles régénérées, vous pouvez pédaler pour fabriquer un jus de fruits ou pour le DJ... Il y a de très bons artistes et des DJ invités chaque semaine, du jeudi au dimanche. C'est un espace de plein air où l'on favorise les rencontres, où l'on organise parfois des conférences... On fait aussi de la cuisine solaire. Les retours sont élogieux et constants de la part des voisins, des commerçants du quartier et même des gens qui se déplacent de loin. 

Point important, la station E est alimentée par des panneaux solaires, des éoliennes et par le fournisseur d’énergie verte Enercoop ?

Exactement. Par exemple, le container station énergie dans lequel se trouve le SolarSoundSystem est un prototype que l'on développe. On rêverait d'ouvrir un container énergétique en Afrique qui soit un lieu culturel et énergétique où l'on vient avec ses piles, où l'on fait de la cuisine solaire, dans lequel il y a un programme sur l'histoire des inventions, où l'on mélange culture et transition énergétique. Mais notre discours n'est pas de dire qu'en ville, il faut des panneaux solaires et des éoliennes. Parce qu'on est à Montreuil, dans un milieu où il y a un réseau électrique, on a jugé que se connecter chez Enercoop était la meilleure solution.

*Atelier 21 a créé "une communauté de recherche et de faire le clair sur la régénération d’énergie sur les différentes piles alcaline présentent sur le marché. In fine, le but sera d’identifier les meilleures piles régénérables". Plus d'informations sur paleo-energetique.org.

Station E 

236, rue de Paris

Montreuil 

https://station-e.org