Le siège du groupe Lactalis, en pleine tourmente
©DAMIEN MEYER / AFP
chronique conso

Le système Lactalis ne bénéficie ni aux producteurs, ni aux consommateurs

La crise qui touche aujourd’hui Lactalis est la énième d’une longue liste. Le groupe laitier est un système opaque, qui ne bénéficie ni aux producteurs, ni aux consommateurs.

Le visage d’Emmanuel Besnier en une du Journal du Dimanche (JDD), ce dimanche 14 janvier, est un événement en soi. Jamais, le patron de Lactalis ne s’était prêté à l’exercice du portrait photo dans les médias. Jamais, depuis son arrivée à la tête du premier groupe laitier mondial, en 2000 à la mort de son père, il n’avait donné la moindre interview. Il a fallu une crise suffisamment grave à ses yeux, comme celle qui se joue aujourd’hui, pour le faire dévier de sa stratégie de non communication.

Plusieurs dizaines d’enfants ont été atteints de salmonelloses après avoir été nourris avec du lait infantile contaminé par les bactéries, produit dans l’usine Lactalis de Craon (Mayenne). 12 millions de boîtes sont retirées de la vente. Le parquet de Paris a ouvert une enquête fin décembre contre le groupe, pour « blessures involontaires » et « mise en danger de la vie d’autrui ». La crise est importante, certes. Elle est en tous cas médiatiquement retentissante. Mais d’autres charges pèsent sur Lactalis. Ce groupe hégémonique, qui pèse 17,3 milliards d’euros, cultive l’opacité sur ses comptes et oppresse les éleveurs. Une photo en une d’un journal ne peut faire oublier cela.

Pression sur les éleveurs

Lactalis est fréquemment accusé d’abuser de sa position dominante pour étrangler les producteurs. En octobre 2016, en pleine crise du lait, un reportage d’Envoyé Spécial montrait que le groupe ne se contentait pas d’acheter le lait à un prix tel que les éleveurs s’endettaient pour le produire. En cas d'excès de production par rapport au niveau fixé dans le contrat, les éleveurs devaient payer le surplus 0,29 euros le litre ! Et Lactalis collectait quand même le lait, transformait et vendait ce surplus payé par le producteur... Ce mardi 16 janvier 2016, l’émission Cash Investigation consacre un numéro aux dessous de l’industrie laitière. On pourra y découvrir notamment qu’« un éleveur a reçu une lettre de rupture de contrat de Lactalis pour “dénigrement” après avoir témoigné auprès d'Envoyé spécial le 13 octobre 2016. », nous apprend l'hebdomadaire Les Inrockuptibles.

On peut aussi s’inquiéter du fait que Lactalis livre une véritable guerre du camembert aux quelques rares artisans qui se battent pour défendre la qualité de ce fromage, emblème national. On peut encore être choqué d’apprendre que le groupe fasse de l’optimisation fiscale de façon très efficace. Dans leur livre « Les Cartels du lait » (Editions Don Quichotte, 2016), Elsa Casalegno et Karl Laske montrent que par un montage financier légal, passant par la Belgique, Lactalis a un taux moyen d’imposition ultra light, de 2,6% sur la période 2004-2014. Ils racontent par ailleurs que Lactalis a participé à des ententes sur les prix.

Consommateurs révoltés

N’en jetons plus. On comprend, avec cela, qu’Emmanuel Besnier cultive le secret, trouve le moyen de ne pas publier les comptes de son groupe et se cache la plupart du temps derrière un service communication verrouillé. La photo en une du JDD ne suffira pas à masquer le fait que le système Lactalis ne bénéficie ni aux producteurs, ni aux consommateurs. Et si jamais, en tant que consommateur révolté, il vous prend l’envie de boycotter les marques pléthoriques du groupe, vous en trouverez une liste par ici.