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Consommateurs, prenez le pouvoir !

L’association Halte à l’Obsolescence Programmée vient d’obtenir une enquête judiciaire visant les imprimantes Epson. Cette victoire montre que des consommateurs unis peuvent infléchir les modèles de production.

Nous, consommateurs, sommes un contre-pouvoir. C’est ce que nous rappelle le travail essentiel de Halte à l’Obsolescence programmée (HOP). L’association a déposé une plainte en septembre dernier contre les fabricants d’imprimantes Epson, Brother, Canon et HP pour délit d’obsolescence programmée et tromperie. Le 27 décembre, HOP portait une seconde plainte contre Apple, en raison du ralentissement des iPhones 6,6S, SE, et 7 après la mise à jour du dernier système d’exploitation. Et le 28 décembre, le parquet de Nanterre a annoncé avoir ouvert une enquête visant Epson. Cette première victoire de HOP n’a rien d’anecdotique. Elle s’inscrit dans l’histoire du mouvement consommateur.

Les racines du mouvement

L’idée que les consommateurs ont des droits et qu’ils pourront mieux les défendre en s’unissant apparaît avec la naissance des coopératives, à la fin du XIXème siècle. Elle prend forme en France en 1909, avec la création de la Ligue des Consommateurs. Cette dernière est dotée d’un journal baptisé « Le Consommateur » qui défend le slogan « Je dépense donc je suis » et organise des « croisades des Ménagères » pour protester contre les prix élevés. Mais ce mouvement connaît son véritable essor après la Seconde Guerre mondiale. En France, l’Union fédérale de la consommation (UFC) voit le jour dès 1951 et publie le premier numéro du magazine Que Choisir, dix ans plus tard. Le Comité national de la consommation (devenu Conseil national de la consommation) apparaît en 1960. En 1966, est créé l’Institut National de la Consommation (INC) qui publie 60 millions de consommateurs.

Aux Etats-Unis, un personnage, devenu super héros des consommateurs dans les années 60, inspire encore aujourd’hui de nombreuses luttes. En 1965, l’avocat Ralph Nader publie « Unsafe at any speed » (traduit en français par « Ces voitures qui tuent »). Il y accuse l’industrie automobile de négliger sciemment la sécurité pour augmenter ses profits. Le succès de l’ouvrage aboutit à une loi sur la sécurité automobile en 1966 et au retrait de la vente par General Motors de son modèle « Corvair ». L’avocat poursuit son combat en créant une puissante association, Public Citizen, qui, depuis, multiplie les fronts.

Les armes du consomm’acteur

Beaucoup des combats d’hier sont liés au pouvoir d’achat. Parmi les victoires de l’UFC-Que Choisir, on compte par exemple la condamnation en 2005 des opérateurs de téléphonie mobile pour entente sur les prix. Mais de plus en plus, les luttes se déplacent sur le terrain de l’environnement et de la santé. Pour se défendre, ceux qu’on appelle désormais les consomm’acteurs, disposent de plusieurs armes : boycotter une entreprise, acheter bio et équitable, s’inscrire dans une Amap…

Depuis 2014, ils peuvent aussi agir collectivement en justice via une action de groupe. Cette procédure s’inspire de la « class action » en vigueur aux Etats-Unis depuis les années 50. Mais la version française est très restrictive. L’action doit être introduite par une association nationale de consommateurs agréée par les pouvoirs publics. On en compte 15 et HOP n’en fait pas partie : il faut au moins compter 10 000 membres pour en être et HOP en dénombre 8000. C'est en son nom propre qu'elle a récemment agi à l'encontre des fabricants d'imprimantes ou d'Apple. Prévue à l’origine exclusivement pour réparer un préjudice matériel lié à la consommation ou à la concurrence, la procédure des actions de groupe a été élargie en 2016 aux questions de santé, de discrimination (notamment au travail), d'environnement et de protection des données personnelles. Les associations d’usagers du système de santé agréées peuvent elles aussi désormais intenter des actions de groupe. Mais la procédure reste lourde et décourage les initiatives. Seules une dizaine d’actions ont été lancées jusque-là.

Une bataille commune

Or, c’est en participant à des batailles communes telles que nous les propose HOP, que nous pouvons véritablement constituer un contre-pouvoir. « Le système actuel repose sur la consommation, les clients jouent un rôle clé puisque les producteurs dépendent entièrement du comportement des acheteurs, peut-on lire dans le manifeste de HOP. Aussi le rôle, la responsabilité et le pouvoir des citoyens ne doit pas être sous-estimé. Loin d’être impuissants, ils détiennent un véritable pouvoir d’action si, plutôt que d’être divisés et isolés, ceux-ci s’organisent et coopèrent pour changer les règles du jeu. Nous aspirons à sensibiliser et agréger le plus grand nombre pour favoriser l’émergence de nouveaux modèles de production et de consommation, tout en travaillant à stopper en parallèle les pratiques industrielles et commerciales d’obsolescence programmée. »

Et puisqu’il est l’heure des vœux, je nous souhaite (entre autres !), de réunir nos forces au sein d’organisations capables de faire entendre notre voix, nos choix, nos valeurs et nos droits de consommateurs.

Pour aider HOP à financer les frais de justice, on peut faire un don ici.

On peut aussi alimenter le dossier de HOP sur les imprimantes en apportant son témoignage ici.